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Émouvant, pétri d’humanité, « Le monde de la berge fleurie » est une fresque sociétale et filmique.
Nous sommes en plongée dans la banlieue ouvrière de Boston. On ressent l’atmosphère d’une époque à peine passée. Tant l’évènementiel est le papier calque d’un présent pour beaucoup. L’élément majeur est une maladie, en l’occurrence : la maladie de Charcot.
Corey Goltz est un jeune adolescent de quinze ans, grandissant au fil des pages. Il vit avec sa mère Gloria. En tête à tête, avec des rites et des habitus, des attentions et des bouquets d’altruisme. Gloria est une femme encore jeune, qui travaille. Le yoga est une éthique pour elle. Elle est unique, mère solo, intègre, battante et libre.
Le quotidien est affûté aux veilles sentimentales. Jusqu’au jour où Gloria tombe malade. Elle combat. Altière et vigoureuse dans ses batailles. Mais la maladie de Charcot assomme la maisonnée. L’apparence ne change pas. Il y a la dignité du silence d’une mère qui continue de travailler. Ne pas faillir, pas encore.
« Elle avait pris ce boulot pour payer le loyer. Ils étaient là pour les écoles qui avaient un meilleur niveau qu’à Dorchester. Elle l’avait fait pour son fils ».
« À présent il était au lycée, mais n’avait pas cessé d’être l’ami qu’il avait toujours été pour sa mère. À son retour, quand il montait les marches à pas lourds et rentrait en trombe en balançant les bras, elle avait l’impression qu’il allait abattre la maison et lui en construire une plus belle ».
Léonard, le père de Corey vient de temps à autre dans l’antre de Gloria. Anti-héros, arrogant, voire violent, il a une emprise sur Corey. Les discussions sont toujours intimes et toxiques. Léonard est un loup dans la bergerie. Il va agir. Troubler Corey. Le faire vaciller, le droguer, le forcer aux dangers que Corey réfute. C’est un homme vil et dangereux, machiavélique.
Corey est brillant au lycée. Néanmoins, il travaille en fin de semaine et de plus en plus. Subvenir aux besoins. Les rôles inversés dans cette fragilité qui attise la vulnérabilité. Gloria est de plus en plus diminuée. Elle meurt peu à peu. Son corps cède. Elle est emprisonnée dans cette maladie de Charcot. Corey se pressent responsable et devient le mur porteur. Il va arrêter ses études. Le radeau de Géricault pour sa mère. Il y a dans ce grand texte, toute la tendresse pudique et malgré tout, la trame est mature, sans pathos et élève toute l’idiosyncrasie d’une Amérique bousculée par les diktats de pauvreté et d’ère post-industrielle.
Que va-t-il se passer dans cette saga formidablement dressée par Atticus Lish.
Corey est l’albatros qui étend ses ailes et somme la vie, pour un peu de lumière encore. Les endurances qui forgent ce jeune adulte en advenir. Léonard que l’on déteste et qui recevra le revers de son cynisme et sadisme. Lui, le paria de cette fratrie qui s’impose malgré le fait que Gloria l’ait rejeté depuis longtemps. Le roman est sombre et triste. L’emblème et porte-voix de l’amour et de l’hymne pour la mère. C’est une toile de maître sociologique et psychologique, d’une douceur infinie.
Ce roman d’apprentissage est d’une beauté inouïe. Il n’y a aucun arrêt sur image. Une constance affective comme les battements de cœur de Gloria pour un temps encore.
« C’était désorganisé, un brouillon fou avec des longues digressions sur des questions secondaires qu’elle faisait enfler jusqu’à les rendre essentielles – une expansion nietzschéenne … Il déposa ses écrits dans un bac en plastique étanche qu’il étiqueta : « La vraie Gloria ».
Les tragédies humaines traversent « Le monde de la berge fleurie ». Le triomphe d’une initiation à la vie. Bouleversant, un livre qui fait grandir. La destinée comme viatique.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy. Publié par les majeures Éditions Christian Bourgeois éditeur.
Gloria et Leonard se sont rencontrés dans les années 90. Tous deux déjà bien cabossés par une enfance difficile de gamins laissés pour compte. Si ils ont eu un fils (Corey) ils ne se sont pas mariés pour autant, même si ils sont restés (épisodiquement) en contact durant les quinze dernières années …
Fusionnels, la mère et le fils le sont depuis toujours. Unis dans une sorte de misère morale et financière. Jusqu’à ce jour funeste où Gloria a appris qu’elle était atteinte de la maladie de Charcot … Et qu’elle allait probablement mourir dans un délai de trois à cinq ans … Cette annonce va alors renforcer leurs liens et sortir brusquement Corey du monde de l’enfance. Pour lui, terminées les longues études ! Finis les beaux rêves de navigation qui adoucissaient son quotidien … Il va devoir travailler et prendre soin de sa mère …
Corey va faire la connaissance d’Adrian, un garçon de son âge (complexé par son aspect de mastodonte) dont la mère a également une tumeur au cerveau … Une rencontre qui va le sortir de sa solitude, mais s’agit-il réellement d’une amitié ?…
L’adolescent fragile va également découvrir la (sombre) face cachée de Leonard, son père. Un homme sans la moindre empathie, terriblement toxique pour les siens … Dès lors, la colère, l’impulsivité (voire la haine) vont remplacer sa timidité enfantine. Corey n’aura plus qu’un désir : imposer une discipline de fer à son corps, en lui imposant un régime sportif extrême. Pour ne plus jamais être une victime …
Un roman social brutal et sans concession qui se déroule à Boston. Une écriture percutante pour une intrigue bien cruelle ! Avec une toute petite lueur d’espoir en son épilogue … En tout cas le lecteur a très envie d’y croire … Afin que le jeune Corey, maintenant âgé de dix-neuf ans puisse enfin sortir la tête de l’eau …
Ce roman est une plongée dans l’Amérique des sans-grade, des laissés pour compte.
Brad, surnommé Skinner, a à peine 22 ans mais a déjà effectué 3 missions en Irak. Blessé au dos, il a été démobilisé. L’Armée lui a « généreusement » octroyé quelques milliers de dollars et puis…. circulez, il n’y a plus rien à voir. Désorienté, apparemment sans famille, Skinner ira en stop jusqu’à New York, dans le Queens, où il trouvera dans un quartier plus que populaire une chambre à louer dans le sous-sol d’une maison.
Zou Léi est une jeune immigrée chinoise, clandestine qui survit de petits boulots en petits boulots. Même la diaspora chinoise ne fait pas grand cas de la jeune femme puisqu’elle est issue de la minorité musulmane ouïghoure peu considérée en Chine.
De façon tout à fait improbable Skinner et Zou Léi vont se rencontrer et devenir amants. Ils n’ont absolument rien en commun, si ce n’est le goût de l’exercice physique et ils passeront beaucoup de leur temps à marcher dans les rues et à s’entraîner dans des salles miteuses de musculation.
Skinner a été profondément marqué par la guerre en Irak et des troubles psychologiques apparaissent peu à peu. Zou Léi va bien essayer de l’aider mais Skinner est déjà bien trop empêtré par la dépression et il ne fera bientôt plus vraiment la différence entre la réalité et ses démons.
Dans le même temps, l’auteur nous fait découvrir toute la « faune » qui hante les quartiers défavorisés, laissés à l’abandon et les petites gens qui tentent tant bien que mal d’y survivre. On y croise des milliers d’immigrés de toutes origines qui, pour un salaire de misère, acceptent toutes les tâches qu’on leur propose, bien plus proche de l’esclavage que d’un emploi digne de ce nom.
C’est une peinture très réaliste de son pays que réalise là Atticus Lish, bien loin des clichés glamour que l’on nous montre à la télé. On comprend mieux après avoir lu ce roman le résultat de l’élection présidentielle de 2016.
Atticus Lish a reçu « Le Grand Prix de la Littérature Américaine 2016 », l’équivalent de notre Prix Goncourt.
"Le bon coté..., c'était qu'elle l'avait rencontré et qu'ils pouvaient constituer leur propre armée, une unité de deux personnes qui mènerait ces combats difficiles que représentaient la guérison de Skinner et la régularisation de Zou Lei."
New-York se relève de ses blessures du 11 septembre. La vie continue dans cette ville cosmopolite. On y fera toujours autant des rencontres improbables, c'est d'ailleurs de l'une d'elle dont il est question par ici. Un homme, une femme ...Chabadabada ...Chabadabada .... mais ne précipitons pas les choses ... Laissez-moi vous les présenter.
Zoom arrière, sur le portrait de Zou Lei, clandestine chinoise, fraichement débarquée et qui vit de petits boulots. Elle se débrouille autant que faire se peut dans ce monde impitoyable des travailleurs sans papier.
Zoom avant, sur le portrait de Brad Skinner, GI, fraichement démobilisé, de retour d'Irak, meurtri, psychologiquement et physiquement.
"C'est comme ça. C'est pas pour ça que c'est juste."
Ensemble, dans le Queens, ils vont s'entraider et peut-être bien s'aimer?
Sous la plume d'Atticus Lish, le rêve américain prends des allures de cauchemar. L'Amérique d'en bas est bien loin des paillettes de Broadway, on y donne pas le même show. Les sous-sols de l'Amérique regorgent de clandestins, de main d'œuvre sous-payée, d'anciens militaires lâchement délaissés par leur pays pour lequel ils se sont pourtant battus. Ils nous cachent ces scènes consternantes malgré leurs errances permanentes, et ne touchent bien sûr que quelques dollars pour leurs prestations.
"Vivre comme une Américaine, tu peux oublier c'est déjà bien d'être libre de ces mouvements..."
L'auteur nous décrit à merveille cette Amérique qui souffre. Il nous offre des personnages forts, des battants aux grands cœurs, mais aussi des êtres dangereux, au destin tout tracés qui, tel un ouragan, détruiront quelques vies au passage.
Parmi les loups et les bandits est une tragédie contemporaine, puissante, lyrique. Un roman magistral avec pour seul bémol quelques longueurs qui auraient pu être réduites. Mais n'oublions pas que c'est un premier roman, alors pardonnons-lui ces entractes un peu longues. La représentation peut continuer.
Lauréat de nombreux prix avec ce premier roman, dont le prestigieux PEN/FAULKNER AWARD, Atticus Lish, né aux États-Unis, est le fils du légendaire éditeur Gordon Lish. Après avoir abandonné ses études à Harvard, il s'essaya à divers petits boulots, et servit même dans les Marines... Devenu plus tard traducteur de Mandarin, avant de se consacrer à l'écriture.
Pas étonnant que ce roman sonne vrai, l'auteur nous fait cadeau d'une belle part de lui-même.
Alors si comme moi, vous aimez l'Amérique, venez vous balader à New-York dans le Queens en compagnie de Zou et de Brad ... et bien plus encore... je vous garantis un formidable spectacle.
The show Must go on ...
C'est comme New-York, grand, magique, mystérieux, cosmopolite, ça brille et ça t'explose le cœur dans une atmosphère unique, une ambiance particulière.
I Love NEW-YORK, I love “Parmi les loups et les bandits”
Dans cette vie et la suivante ....
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