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La vérité ! s’écrit Gabriel (geste), comme si tu savais cexé. Comme si quelqu’un au monde s’avait cexé. Raymond Queneau & Antonin Crenn.
Olympien, ce classique à l’aube-née est un modèle pour tous les étudiants en littérature. Le style est un champ de blé en mouvement. Le fluide magnétique d’un renom en apogée. Cette trame qui pousse son premier cri à la vie, piédestal assigné à la table des rois : Les Présents. La voix d’Antonin Creen emporte le lecteur de l’autre côté du rivage dans cette heure d’élévation liane et siamoise. Deux hommes, Théo et Édouard se retrouvent par hasard après de longues années de silence.
« Édouard qui bûchait sur ses cours de linguistique rencontra les yeux de Théo qui faisait semblant de travailler sa sémiologie. On connaît déjà la suite. » « J’habite ici, il annonça. -moi aussi » dit Théo. » « Je n’étais jamais monté au-delà du quatrième étage, dans notre propre escalier, tu t’en rends-compte ? »
Théo a perdu son père dans les prémices de son enfance. Un week-end tous les quinze jours, comment collecter l’œuvre d’un père et la faire sienne ? Ses regards percent les persiennes closes de cet avant. Édouard délaissé par ses parents trop absents, sera l’oisillon refugié chez son oncle (le frère de sa mère) et sa tante. Un jour brutal il apprendra la mort accidentelle de ses parents. Théo et Édouard font bloc. Ils rassemblent l’épars égaré dans les limbes. Chacun cherche la pièce manquante pour se réaliser. Ils vivent dans le même lieu, l’immeuble du boulevard Voltaire, un haussmannien où tous les protagonistes mêlent leurs points communs, la quête de leurs origines. Entre - monde métaphysique, le temps s’arrête. Les appels et les signaux perdurent. Insistants, ils refont surface immanquablement. La ténacité et le désir de comprendre foudroient ces deux garçons. Cartographie d’une ville, les plans enracinés dans les écueils des questionnements existentialistes. La contemporanéité dévoile les urbanités rassurantes. Ancrés dans les philosophies, les gestes cruciaux bousculent les doutes.
« Je parle du boulevard où habitent Théo, Édouard et les autres, et qui porte aujourd’hui le nom de Voltaire. On l’appelait, sur les plans de l’époque : boulevard du Prince- Eugène. »
Paris, Le Finistère, suivre la voie de l’ancestral, de ce passé qui resurgit. Le générationnel brise les pavés d’une ville qui éclate en morceaux symboliquement. Le Grand-père de Théo, marin, laissant femme et enfant en devenir. Anonyme naufragé du commandant Charcot. Théo est l’ubiquité. Retrouver ses racines, renaissance en devenir.
« Et la joie de renouveler un plaisir déjà éprouvé dont Édouard et Théo connaissent la saveur et l’anticipent, la prévoient – la désirent – parce qu’ils s’en souviennent. »
« Les Présents » est un phare dans la nuit sombre. Un hommage aux absents qui ont apportés les preuves de l’essentialisme. On ne peut être sans l’originel. Lumineux et initiatique, les êtres sont des merveilles. La rectitude d’un texte qui déploie le parchemin salvateur. Ici, vous avez le sens même de toutes vies, le summum d’un immeuble symbolique. Votre désir de rester bien après le point final. Magistral, solaire, réconfortant il est le champ des possibles, la sève et l’espoir d’émancipation. Publié par les majeures Éditions Publie.Net.
Les bandits, ce sont deux enfants, une sœur et un frère qui partent en vacances avec leur père, en train, jamais en voiture puisque le père ne sait pas conduire. Une fois chez les grands-parents, dans leur village. Plus tard au bord de la mer, à l'autre bout de la France.
On pourrait croire à un livre jeunesse mais le classer comme tel serait le réduire à un lectorat. Cette très belle histoire racontée par Antonin Crenn (lire aussi son Passerage des décombres) est d'une tendresse et d'une sensibilité infinies. Un album des petites choses du quotidien qui deviendront nos souvenirs les plus prégnants. Beaucoup de pudeur, d'émotions et une manière de raconter toute en finesse et en délicatesse. Antonin Crenn prouve ici qu'il a en lui des qualités d'écriture évidentes et beaucoup de talent.
Les enfants peuvent -sans doute, à voir avec les parents- lire et se mettront à la place des bandits, et comme les contes soit-disant destinés aux plus jeunes, les adultes y liront à un autre niveau, celui du père.
Jérôme Poloczeck illustre très sobrement à l'aide de cailloux ramassés sur des plages et de traits de couleurs. C'est original et très réussi. L'ensemble, mis en page par les formidables éditions Lunatique, est un album très beau, à lire et à conseiller la lecture (ce que je fais bien volontiers ici).
Antonin Crenn écrit des textes lisibles en ligne -cliquez sur son nom. Ce petit livre est son premier publié. Très court, 10 pages, mais attention, chez Lunatique quand même, une belle maison qui soigne ses parutions. Belle couverture, belle mise en page, même soin apporté à cet ouvrage très fin qu'à un roman plus épais.
Le texte est très beau, un peu mélancolique, des souvenirs d'enfance, comme des périodes heureuses qu'on ne revivra pas, mais il est aussi positif puisque d'autres beaux moments existeront. C'est une nouvelle touchante, tendre, pleine de douceur. L'éveil à la vie, à l'amour, à la rêverie si importante et pourtant délaissée des vies urbaines trépidantes -que j'aime mon rythme de vie qui m'exclut en partie de cette agitation ! Antonin Crenn écrit simplement les choses de la vie, ne bêtifie pas sous prétexte que le narrateur est un jeune garçon. Il y a longtemps que j'ai passé l'adolescence et l'état de jeune adulte -il y a un mot pour cela ?- mais j'aurais pu m'y replonger, que dis-je, je m'y suis replongé avec grand plaisir.
A très court texte, très courte analyse, mais beau livre et juste prix : 3€. Ce serait dommage de s'en priver.
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