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Ananda Devi

Ananda Devi
Ethnologue et traductrice, Ananda Devi est née à l’île Maurice. Auteur prolifique, elle a publié des recueils de poèmes, des nouvelles et des romans, notamment Ève de ses décombres (prix des Cinq Continents, prix RFO, Gallimard, 2006), Le sari vert (prix Louis Guilloux, Gallimard, 2010), et...
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Ethnologue et traductrice, Ananda Devi est née à l’île Maurice. Auteur prolifique, elle a publié des recueils de poèmes, des nouvelles et des romans, notamment Ève de ses décombres (prix des Cinq Continents, prix RFO, Gallimard, 2006), Le sari vert (prix Louis Guilloux, Gallimard, 2010), et dernièrement L’Ambassadeur triste (Gallimard, 2015). Couronnée par le Prix du Rayonnement de la langue et de la littérature françaises en 2014, elle est considérée comme l’une des figures majeures de la littérature de l’océan Indien.

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Articles en lien avec Ananda Devi (3)

Avis sur cet auteur (36)

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    Couverture du livre « Rue la poudrière » de Ananda Devi aux éditions Editions Project'iles

    MAPATOU sur Rue la poudrière de Ananda Devi

    Je remercie Babelio, Masse Critique et les Editions Project’îles pour la découverte de ce roman.

    L’île Maurice est dans notre imaginaire une destination touristique de rêve. Ananda Devi nous entraîne dans sa capitale, Port-Louis, dans les années 1970.

    Dans une rue misérable près du port,...
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    Je remercie Babelio, Masse Critique et les Editions Project’îles pour la découverte de ce roman.

    L’île Maurice est dans notre imaginaire une destination touristique de rêve. Ananda Devi nous entraîne dans sa capitale, Port-Louis, dans les années 1970.

    Dans une rue misérable près du port, vit une fillette, Paule. Elle est née des relations d’un couple plus que toxique. Maria, la mère, est plus occupée à préparer des sortilèges pour ses clientes qu’à veiller sur sa fille. Edouard, le père, a sombré depuis longtemps dans l’alcoolisme.

    Ne devant compter que sur elle-même, Paule grandit dans une atmosphère malfaisante. Devenue adolescente en recherche d’amour, elle tombera entre les griffes d’un proxénète notoire, Mallacre. Il y a peu de chance pour que la vie de la jeune femme prenne un tournant plus positif.

    « Rue de la poudrière » est un roman très sombre, porté par une écriture très puissante. Je n’ai pas pu le lire d’une traite. Il m’était nécessaire de faire des pauses pour souffler.

    Les images qui me venaient étaient celles d’individus vivant dans un environnement dévasté, comme l’a fait le cyclone à Mayotte ; les conditions économiques générant des comportements violents et destructeurs. Une impression de cloaque, de boue dans laquelle les personnages sont pris et ne peuvent se libérer.

    » Je n’étais pas faite pour ça, seulement pour Mallacre, uniquement pour lui, les autres sont des nullités, des nullités qui meurtrissent, qui blessent. Des zéros qui m’anéantissent. Une effroyable lune de mort qui se lève sur cette nuit sans fond, cette chambre-abîme, chambre-cercueil où je ne suis qu’un cadavre, et des lambeaux de ma personnalité sont accrochés aux murs, me regardent d’un air moqueur. Je me suis mise en pièces à essayer de vivre par moi-même, il n’y a pas d’issue dans ce labyrinthe où je me trouve, toutes les portes sont fausses, et s’ouvrent soit sur des murailles, soit sur des miroirs où le visage fracassé d’une femme nue me regarde. »

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    Couverture du livre « La nuit s'ajoute à la nuit » de Ananda Devi aux éditions Stock

    Regine Zephirine sur La nuit s'ajoute à la nuit de Ananda Devi

    La collection « ma nuit au musée » propose à un écrivain de passer une nuit dans un musée. C’est à la prison de Montluc à Lyon, devenue Mémorial national de Montluc, que la romancière Ananda Devi va passer une nuit seule avec les fantômes du passé et ses souvenirs.

    « Et dans ce pas, ce pas...
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    La collection « ma nuit au musée » propose à un écrivain de passer une nuit dans un musée. C’est à la prison de Montluc à Lyon, devenue Mémorial national de Montluc, que la romancière Ananda Devi va passer une nuit seule avec les fantômes du passé et ses souvenirs.

    « Et dans ce pas, ce pas seul, ce qui me revient, c’est la sensation que je marcherai ici dans « l’humaine poussière » ; la vraie, celle constituée par des corps et des êtres effacés. »

    Et ces fantômes sont légion dans cette prison construite en 1921 et qui deviendra le lieu de rétention et de torture des résistants et des juifs durant la seconde guerre mondiale. Mais que faire de leurs ombres dans le silence nocturne à peine troublé par le cri d’une souris ?
    « Je ne peux pas rester assise. Il me faut aller à leur rencontre. »
    Les enfants juifs d’Izieu sont passés aussi par Montluc avant d’être déportés avec leurs courageux protecteurs. Ils avaient été raflés et déportés sur l’ordre d Klaus Barbie, lequel, bien des années plus tard, passera aussi par les sinistres cellules, et la boucle sera bouclée.
    « Mes yeux te disent que je ne regrette rien, même pas ma mise à mort.
    C’est ce qu’il me dit, là, Barbie, en ricanant, me semble-t-il. »

    Il y aura eu de nombreuses mises à mort dans la cour de cette prison, des résistants fusillés ou bien guillotinés comme ces onze militants pour l’indépendance de l’Algérie.
    La romancière évoque l’aile dévolue aux femmes, et qui servira jusqu’en 2009.
    Il y a l’émotion de découvrir la nurserie qui permettait aux futures mères emprisonnées de garder leur bébé jusqu’à ses dix-huit mois. Ensuite, on séparait l’enfant de sa mère. Et c’est touchant lorsqu’Ananda Devi imagine ces mères avec leur tout petit qu’on leur prendra bientôt.
    « L’enfant marche. L’enfant ne connait pas de barrières. L’enfant ne comprend pas les barrières. Seuls les hommes ont su en construire. Y compris pour les enfants. »

    Bien sûr, la romancière n’est pas historienne mais, à ce lieu de mémoire hanté par de grands noms de l’histoire, elle confronte son histoire personnelle et tous les drames de l’immigration et de l’esclavage. Elle prend sa place dans ce grand chaudron de l’histoire en convoquant ses ancêtres qui ont quitté l’Inde pour émigrer à l’ile Maurice dans l’espoir d’une vie meilleure.
    Les réflexions, les questionnements de l’auteure sont universels,
    « Mon histoire comme une fiction part de l’individu que je suis pour tenter de toucher à ce qui relève de toute l’humanité. »
    Elle cite aussi la tragédie qui s’est jouée sur l’île de Diego Garcia de l’archipel des Chagos, cet îlot de l’océan Indien dont tous les îliens ont été chassés pour construire une base américaine.
    Toujours cette violence des hommes contre d’autres hommes, toujours ce « péril de l’humanité. Celui de devenir complices par indifférence, complaisants par impuissance. » Mais L’auteur nuance son propos en affirmant qu’« il n’y a rien d’irrémédiable dans la violence des hommes. »

    « Et ce que j’ai écrit n’est pas fini » ainsi se termine ce récit bouleversant qui nous fait traverser les tragédies du XXe siècle et qui ne peut laisser indiffèrent.

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    Couverture du livre « La nuit s'ajoute à la nuit » de Ananda Devi aux éditions Stock

    Joëlle Buch sur La nuit s'ajoute à la nuit de Ananda Devi

    C’est un livre de la rentrée littéraire que j’ai vite repéré, puisqu’il s’agit d’une autrice et d’une collection que j’apprécie tout particulièrement. Cependant j’ai mis la moitié du livre pour entrer dedans, je vous rassure, ensuite je l’ai trouvé passionnant. Peut-être que j’ai senti une...
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    C’est un livre de la rentrée littéraire que j’ai vite repéré, puisqu’il s’agit d’une autrice et d’une collection que j’apprécie tout particulièrement. Cependant j’ai mis la moitié du livre pour entrer dedans, je vous rassure, ensuite je l’ai trouvé passionnant. Peut-être que j’ai senti une certaine réticence de la part d’Ananda Devi à entrer dans ce lieu, ses peurs, et que comme elle j’y suis allée un peu à reculons avant de plonger ou lâcher prise.
    La collection « Ma nuit au musée » est le résultat d’une nuit passée par des auteurs dans un musée, ici Ananda Devi arpente les couloirs de la prison de Montluc à Lyon devenue un mémorial. Les chapitres s’égrènent au rythme des heures.
    On croise des figures emblématiques, héros ou non, de différentes époques, emprisonnées à Montluc, essentiellement pendant la Seconde guerre mondiale : Jean Moulin, André Devigny, Raymond Aubrac, René Leynaud (poète), les enfants d’Izieu, mais aussi Klaus Barbie. Peu de femmes résistantes sont représentées sur les photos du mémorial, on peut citer Marie Reynoard. Le lieu évolue, il y a une aile pour les femmes avec leur bébé. Des Algériens y ont été enfermés du temps de la colonisation, comme Moussa Lachtar.
    Le plus troublant est cette présence encore tardive de la guillotine, machine à exécuter qui semble d’un autre temps mais pas si lointain quand on pense que la peine de mort a été abolie en 1981. La prison a fermé en 2009.
    Ananda Devi relie certains événements à son histoire familiale. Elle parle de l’esclavage notamment. Elle dénonce des situations qui la révolte, partout dans le monde. Le point commun de toutes ces violences, asservissements et génocides est pour elle l’inhumanité. Elle interroge l’écriture et la réécriture de l’histoire. Un livre à la fois intime et universel, poétique et riche en réflexion où elle se demande, ainsi qu’à nous, qu’aurions-nous fait ? serions-nous entrés en résistance ? ou restés silencieux ? qu’est-ce que l’humanité ?
    Une question à laquelle il me semble difficile de répondre tant l’humain est complexe, chacun ayant ses faiblesses, aurais-je ou aurions le courage ? Et tout cela résonne fortement avec l’actualité.

    Je remercie Netgalley et Stock pour cette lecture

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    Couverture du livre « Le jour des caméléons » de Ananda Devi aux éditions Grasset

    Les Lectures de Cannetille sur Le jour des caméléons de Ananda Devi

    Grande voix de la littérature mauricienne, Ananda Devi donne la parole à son île dans un roman rageur et apocalyptique qui, sous l’oeil impavide des caméléons attendant le retour au calme - « Le temps des hommes est compté » -, fustige la cupidité humaine.

    Sous la surface brillante de la...
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    Grande voix de la littérature mauricienne, Ananda Devi donne la parole à son île dans un roman rageur et apocalyptique qui, sous l’oeil impavide des caméléons attendant le retour au calme - « Le temps des hommes est compté » -, fustige la cupidité humaine.

    Sous la surface brillante de la carte postale, fermente un terrible pourrissement dont les habitants de Maurice, contrairement aux Comoriens, mais aussi les touristes, n’ont pas encore totalement réalisé l’extrême inflammabilité. En guère plus de quatre cents ans d’occupation humaine, pillage écologique, inégalités raciales et sociales, et maintenant menaces liées à la montée des eaux, ont transformé ce petit paradis en une poudrière qui ne doit rien à sa nature volcanique. Car, non contents de se comporter en nuisibles ravageurs laissant sur leur passage une faune et une flore décimée, des sols bétonnés et pollués, « Les loups humains dévorent leurs semblables. Ils ont l’esprit verrouillé, le cœur vérolé et l’argent chevillé au corps. Leur seul rêve, désormais : se bander d’or. Rien d’autre ne compte. » Alors, la petite nation arc-en-ciel craque socialement de toute part, ses blessures à vif, héritées de siècles de colonisation et d’esclavage, de racisme et d’injustice, de corruption et d’assujettissement des plus pauvres aux plus riches. Un incident peut suffire à allumer la mèche et c’est sur la prédiction d’une déflagration apocalyptique que s’ouvre ce roman conçu comme une tragédie grecque, avec son unité de temps, de lieu et d’action, mais aussi ses choeurs unissant l’observation impassible des caméléons aux commentaires fulminants de cette espèce de divinité de la nature qu’est ici l’île elle-même.

    Ils sont quatre personnages à former sans le savoir les rouages du drame annoncé : Nandini, la désabusée épouse-objet d’un juge ; René, un homme usé et dépressif qui n’a plus pour raison de vivre que la lumineuse innocence de sa nièce Sara ; et Zigzig, pur produit de la misère et de la violence devenu chef de gang, prêt à en découdre coûte que coûte avec une bande rivale. Ces quatre-là, symboles de tous ces êtres maltraités, humiliés, violentés de manière systémique dans une société à deux vitesses allouant richesse et misère le plus souvent proportionnellement à la couleur de peau, vont voir leur destin converger irrésistiblement vers une rencontre si explosive qu’elle livrera l’île entière au chaos, vision prophétique crûment extrapolée de l’actualité par l’auteur. Mêlant poésie et colère mordante en une langue incandescente, le récit tire ainsi le tapis sous les pieds du lecteur, interdit et glacé d’horreur de voir s’ouvrir d’insondables abîmes sous ce qu’il réalise n’être que de bien fausses apparences paradisiaques.

    « En ce moment précis, la galerie marchande du Caudan, ses cafés et ses fast-foods sont bondés : les gens sont abasourdis par la chaleur, le grand soleil de Port-Louis tape si fort sur leurs petites têtes qu’une sorte de paix bovine se lit sur leurs visages. Sauf bien sûr pour ceux qui y travaillent, et qui eux sont coincés là. Pris au piège par leurs salaires minables et les mesquineries de la hiérarchie qui empourprent leurs joues de honte, mais il faut sourire aux touristes, sourire aux clients, faire courbettes et galipettes pour vendre la marchandise venue de Chine, du Bangladesh ou de Madagascar (bon marché, parce que les êtres qui l’ont fabriquée sont bon marché aussi), servir les bières fraîches et les burgers... »

    De l’apocalypse naîtra sans doute un monde nouveau, peut-être débarrassé de la folie des hommes. Ananda Devi se plaît à l’imaginer le règne des caméléons, eux qui, ayant « la patience des siècles et la mémoire des lieux », observent en silence « la déréliction du monde », sûrs de leur capacité d’adaptation puisque peu leur chaut couleurs de peau, castes et religions… : une façon poétique et imagée d’exprimer sa colère et son désespoir face aux trop-pleins du consumérisme et au culte éperdu de l’argent, responsables de désastres autant sociaux qu’écologiques.