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Ils sont quatre, frères et sœurs, Michel, Patricia, Marie-Thérèse et Joseph. Si La Réunion n’avait pas au quotidien des airs de paradis, c’est pourtant pour connaître un enfer qu’on leur a fait un jour quitter leur île.
Dans les années 70, les politiques se sont soucié de la désertification de certains départements de métropole, et demandé comment continuer à peupler les campagnes et à produire s’il n’y avait plus de jeunesse pour aider les paysans.
À la même époque, l’argument de famines successives dans les îles, qui nous semble aujourd’hui incroyable, a été un excellent prétexte pour faire venir des fratries entières en métropole
Tout en faisant espérer une vie meilleure, l’intégration dans une famille, des études, un travail, à ces enfants rarement orphelins mais toujours arrachés à leur familles sous de fallacieuses promesses.
C’est ce qui arrive à ces quatre enfants et adolescents
Faisant croire à leur mère qu’ils seront plus heureux, qu’elle pourra les revoir chaque année, alors que pas plus elle que les autres mères comme la plupart des enfants déportés ne se reverront.
Après des semaines en orphelinat, d’abord sur l’île puis après un long, très long voyage, dans la Creuse, les enfants doivent subir de nombreuses brimades avant d’avoir enfin la chance d’être adoptés par des familles.
Enfin, la chance, c’est ce qu’on leur disait, mais la plus grande partie d’entre-eux a subi un esclavage qui ne disait pas son nom.
C’est enfin au tour de Marie-Thérèse et Joseph. Alors que leurs aînés sont partis depuis longtemps dans des familles et qu’ils n’en ont plus aucune nouvelle, ils sont embarqués par un couple d’éleveurs. Rebaptisés Marie et Florent, ils doivent travailler sans relâche, exploités, affamés et usés par des paysans sans scrupules. Pour eux, aucun école, pas d’éducation, de soin ou d’attention, ils sont à peine mieux traités que les bêtes de somme de l’exploitation, peut-être même moins bien.
En faisant parler Marie, alternativement dans ses années de jeunesse puis aujourd’hui, l’actrice déroule pour le lecteur le long supplice qu’on vécu certains de ces enfants, explicité et raconté par celle qui l’a vécu au plus intime.
Non seulement déportés loin de leur famille, de leur berceau natal, mais surtout accueillis dans les conditions les plus inhumaines et déplorables possibles.
J’ai aimé l’alternance des voix, des temporalités, des points de vue aussi, pour nous ouvrir les yeux sur cette situation que l’état français a reconnue depuis peu, et sur laquelle quelque romans ont déjà été écrits.
L’autrice donne un autre éclairage, et surtout une personnalité particulièrement émouvante à son héroïne. Son attachement à son frère, l’éloignement de la fratrie, le besoin de revenir aux racines, semblent si véridiques et tellement réels que je me suis surprise à chercher si Joseph Gosse avait réellement écrit ces poèmes…
https://domiclire.wordpress.com/2024/09/22/danse-avec-tes-chaines-anaelle-jonah/
Un premier roman qui nous en apprend plus sur « Les enfants de la Creuse ». C'est un bon premier roman, bien documenté, qui nous apprend les horreurs subies par ces enfants, sous couvert d'une fiction. Il manque quand même un petit quelque chose à ces personnages, qui ne sont présents que pour porter le propos du livre (ce qui suffit déjà pour une bonne lecture), c'est dommage. Mais c'est un premier roman.
Merci pour cette découverte #Netgalley
Ils s’appelaient Michel, Patricia, Marie-Thérèse et Joseph et vivaient avec leur mère, Mariette, devenue veuve. La famille était pauvre, mais les liens familiaux étaient puissants. Un jour, une femme vient voir leur mère et la persuade que les enfants seraient plus heureux et auraient un meilleur avenir si on les envoyait en métropole. Mariette a fini par céder malgré sa culpabilité et ils sont partis vers l’inconnu, Marie-Thérèse, a qui on avait fait miroiter un avenir radieux, emportait une carte postale représentant Notre Dame.
Après un vol très long et épuisant, ils ont atterri à Orly. Et là première séparation : Michel et Patricia sont envoyés on ne sait où et Marie-Thérèse (11 ans) ne retrouvera leur trace que des années plus tard, tandis qu’elle reste avec Joseph âgé lui de 7 ans. Ce sera le début de beaucoup de séparations, de souffrances en tous genres.
Pour les deux enfants, ce sera direction Ceyroux dans la Creuse dans la ferme de René et Martine Brouillet en vue d’adoption. Mais, on est loin de l’instruction promise, de Paris et quand Marie-Thérèse demande quand ils vont aller à l’école, on lui répond que ce sera le travail à la ferme. Et le travail forcé, les coups, la privation de nourriture entrent très vite en scène, les Brouillet s’avérant pire de que les Thénardier.
Le couple décide de les adopter et changent leurs prénoms, Marie-Thérèse devient Marie et Joseph devient Florent : en plus du déracinement, leur identité leur a été complètement dérobée.
Nos prénoms changèrent soudainement. Un jour Joseph et Marie-Thérèse, l’autre Florent et Marie. Nous avions subi tant de bouleversements que ce n’en était même plus surprenant. Et donc ? Mon identité, à la manière d’un oignon, avait été épluchée, éraflée couche après couche au point qu’il ne me restait plus qu’un fragment de mon être, et ce fragment était Joseph.
Anaëlle Jonah a choisi de raconter l’histoire vue par les yeux d’une enfant, alternat le récit du l’enfance dans la ferme et la commémoration de cinquantenaire de « l’exil » (déportation serait un terme plus adapté à mon sens) tout en insérant, au passage, des poèmes de Joseph Gosse, ce qui rend le récit plus supportable, car autant de barbarie, maltraitance, esclavage soulève le cœur et l’indignation.
Je connaissais l’existence des Enfants de la Creuse, mais je n’avais jamais lu de récit ou de roman sur ce thème. Comment a-t-on pu prendre une telle décision ? Arracher des enfants à leurs familles, car ils n’étaient pas forcément orphelins, en leur promettant une vie meilleure, la possibilité de faire des études, alors qu’ils étaient destinés à devenir de la main d’œuvre gratuite, sans se poser de questions, sans se remettre en question : cela concerne quand même 1600 enfants et il ne s’agissait pas d’un lointain passé : les évènements ont eu lieu en XXe siècle entre 1963 et 1981 !!!
Outre l’histoire de ces enfants, et la manière de la raconter, j’ai aimé l’écriture d’Anaëlle Jonah dont c’est le premier roman, car elle est journaliste. Elle donne tellement vie à ses personnages qu’on croirait à leur existence réelle, et bien entendu, je suis allée vérifier si le poète Joseph Gosse avait vraiment existé, tant les mots de l’auteure étaient persuasifs hélas…
Le titre est inspiré d’une phrase de Nietzsche : « la liberté, c’est de savoir danser avec ses chaînes » et l’auteure a nommé ainsi le « recueil de poèmes » de Joseph Gosse.
Une belle lecture donc, qui remue les entrailles, et que je ne risque pas d’oublier…
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Fayard qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur
#Danseavecteschaînes #NetGalleyFrance !
https://leslivresdeve.wordpress.com/2024/09/05/danse-avec-tes-chaines-anaelle-jonah/
De l’île de la Réunion à la Creuse. Une histoire oubliée mais toujours extrêmement blessante pour les enfants qui ont connu ce déracinement forcé sans jamais revoir leur famille. Ce n’est pas si loin, les faits se sont passés entre 1962 et 1984… Quelques autres départements ont accueilli – en moins grand nombre – ces enfants, deux mille quinze selon le chiffre officiel, devenus pupilles de l’État, la plupart, après un passage dans un centre d’accueil, était envoyé dans des fermes où l’éducation était synonyme d’esclavage. Évidemment, le langage officiel se résumait à « c’est pour votre bien » !
En août 2019, Jean-François Samlong avait écrit un roman poignant Un soleil en exil, lui-même ayant échappé de peu à ces coups de pied au cul éducatifs en terre inconnue. Pour la rentrée littéraire 2024, la jeune journaliste Anaëlle Jonah signe une histoire similaire, tout aussi bouleversante pour dénoncer ces faits anciens et rendre hommage à la vaillance de ses enfants ayant passé en quelques heures de l’insouciance au terrible monde des adultes.
Deux sœurs, deux frères. Tous les quatre sont arrachés à leur mère, ils ne la reverront jamais. Au moins, ils sont ensemble mais pour combien de temps encore lorsqu’ils arrivent sur le sol de la métropole. Paris, ça fait rêver, Notre-Dame notamment. Mais, de la ville lumière ils ne verront rien, ils sont emmenés loin, dans un département qui s’appelle la Creuse… et seront séparés. Deux, dont Marie-Thérèse la narratrice deviendront corvéables à merci dans une ferme. Mais la petite est rebelle, elle encaisse les coups mais se jure de s’en sortir. Le désir d’affranchissement lui donnera du courage et sur les ailes de la liberté elle écrit son nom. Son frère Joseph deviendra poète. Ce qui s’appelle danser avec ses chaînes.
Une narration tellement prenante que les personnages semblent avoir réellement existé puisque les situations, elles, sont véridiques. Après un début un peu laborieux qui aurait pu faire croire que l’autrice avait perdu l’orientation de sa plume, la suite devient captivante. Le lecteur se fond progressivement dans les pages avec des moments d’effroi par rapport au vécu de ces enfants privés des leurs dans la dureté de la tâche et la lutte continuelle contre les coups.
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