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L'air de la France rend-il libre ? A cette image d'Epinal de la migration féminine, ce livre répond par une enquête méthodique et multisituée, attentive à la trajectoire des femmes originaires de zones rurales du Mali qui ont immigré en France et qui résident actuellement dans la région parisienne.
Les hommes et femmes des villages du bassin du fleuve Sénégal s'inscrivent de longue date dans des mouvements de circulations géographiques. La migration est ici une composante à part entière des fonctionnements sociaux, et les femmes sont au coeur de ces logiques de redistribution de la main d'oeuvre au sein de familles élargies transnationales.
L'observation de la réalité sociale de ces femmes aussi bien en France que lors de leurs séjours au Mali révèle que le genre est une question de lieux. On n'est pas femme de la même façon selon l'endroit où l'on se situe et celui auquel on est associé. Considérées comme 'Françaises' pour celles et ceux qui sont restés au Mali, traitées en 'Africaines' en France, ces migrantes font face en permanence à des représentations qui n'induisent pas les mêmes contraintes ni les mêmes marges de manoeuvre, voire qui s'opposent. Des appartenances ambiguës qui deviennent contradictoires sous l'effet croisé des politiques migratoires, de l'agenda géopolitique international instrumentalisant la cause des femmes, et des attentes des hommes et des aînés (hommes et femmmes) de la famille.
Reléguée à une position d'« accompagnatrices » aussi bien par les stratégies familiales que par les politiques migratoires françaises, ces femmes migrantes se révèlent pourtant bien plus tacticiennes que ce statut ne le laisse penser. Se marier avec un migrant, c'est tenter d'échapper au piège de l'exploitation familiale - au risque de tomber dans d'autres exploitations. Car être l'une de celles qui sont parties est une distinction qui s'accompagne de privilèges : disposer d'une liberté plus grande quant aux rôles de genre, mais aussi être en mesure d'exploiter d'autres femmes.
Migration égale émancipation ? Non. Une telle équation flatte l'image du pays hôte, mais n'est guère fidèle à la réalité. La migration, en effet, ouvre un nouvel espace et de nouvelles marges de manoeuvres aux femmes, mais constitue un terrain propice à des logiques de dominations qui lient l'ensemble des membres des sociétés désormais transnationales. La réalité, plus incertaine, plus contestée, se négocie dans les rapports de pouvoirs quotidiens entre un ici et un là-bas irrémédiablement entrelacés.
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