Mariée de force par sa famille - famille qu'elle ne cessera jamais de respecter - à un homme qu'elle n'aime pas, Puah Rakovsky devient mère à 17 ans. De haute lutte elle parviendra cependant à conquérir très rapidement son indépendance économique, à se libérer du joug matrimonial, et donc de toute autorité masculine. Elle fonde à Varsovie la première école où les jeunes filles juives peuvent recevoir une éducation à la fois hébraïque et laïque. Révolutionnaire, féministe, socialiste et sioniste convaincue avant l'heure - elle a 30 ans, quand le sionisme politique voit le jour avec Herzl -, militante à une époque où militer était encore à inventer, surtout pour une femme, proche par ses nombreux frères et soeurs, ses enfants et ses amours des mouvements révolutionnaires, Puah Rakovsky semble infatigable dans ses quêtes multiples. Elle émigrera dans les années vingt en terre d'Israël. Là elle crée ce qui deviendront les premières organisations de femmes autonomes. Elle s'insurge aussi contre le mépris dans lequel les religieux tiennent les femmes. Dans les années trente, elle retournera en Pologne, auprès de sa famille, en un temps où le ciel s'obscurcit sérieusement pour les juifs. Elle s'établira définitivement en Palestine en 1935. Considérée trop âgée pour continuer ses activités politiques - ou trop remuante, trop en lutte contre toute autorité - elle se voit cantonnée dans son travail de traductrice. Elle traduira en yiddish une biographie de Trotski.
Par son témoignage d'une exceptionnelle intelligence et d'une grande ferveur de ton, Puah Rakovsky nous offre un éclairage unique sur le bouillonnement des idées agitant la communauté juive de Pologne dans les premières années du 20e siècle. Elle nous trace également le portrait d'une génération d'hommes et de femmes, la plupart très jeunes, qui choisirent de rompre avec les traditions de leurs pères pour en créer de nouvelles, hors du judaïsme ou en son sein. Mais ce qui fascine le plus le lecteur d'aujourd'hui à la lecture de ces mémoires, c'est elle, Puah Rakovsky, c'est son courage et son obstination à proclamer ses convictions, c'est sa manière de ne jamais baisser les bras devant les conservatismes de tous bords. Et sans doute nous avons dans ces Mémoires d'une révolutionnaire juive l'une des plus belles et des plus puissantes réflexions sur le rôle de l'individu dans l'Histoire.
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