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Têtes huguenotes fichées sur des piques, catholiques brûlés vifs dans leurs églises, villages assiégés et décimés par la famine : plutôt que de prendre parti dans les haines qui déchirent le pays, Gabriel des Feuillades, vétéran des guerres d'Italie retiré dans son domaine périgourdin, préfère parler à ses arbres, contempler les étoiles, courtiser sa servante et dialoguer en silence avec les sages de l'antiquité. Révolté par l'indifférence de son père, accablé par la mort de sa soeur tendrement aimée, Ulysse, le fils de Gabriel, part sur les routes de France. Espérant retrouver la jeune fille qu'il s'apprêtait à épouser, il se jette à corps perdu dans la mêlée. Jusqu'au jour où les voies de la providence mènent ce coeur pur là où il avait juré de ne jamais revenir. Herbier littéraire mystique et sensuel, parabole sur l'adolescence et la maturité, Les Serviteurs inutiles fait résonner en notre siècle la faconde de Brantôme, l'âpreté de Monluc, et peut-être même la sagesse de Montaigne.
Touchant roman à la force tranquille et à la tonalité délicieusement et noblement surannée ...Croyant marcher dans les pas de Montaigne, je me suis calée avec délice sur le rythme de vie et de pensée des habitants des Feuillades et c'est bien à regret que j'en ai finalement refermé la porte en même temps que mon livre...
N’ayant pas lu depuis un certain temps de romans historiques, c’est avec un appétit de fin gourmet que je me suis jeté de toutes pattes sur « Les serviteurs inutiles » de Bernard Bonnelle. L’histoire se situe entre 1561 et 1593 dans le Périgord, époque où les guerres de religion fouettaient le royaume de France avec comme point culminant, si j’ose m’exprimer ainsi, le massacre de la Saint –Barthélémy, le 24 août 1572, d’abord sur Paris et ensuite en province.
C’est dans ce contexte rouge sang, que l’on découvre Gabriel, ancien combattant des guerres d’Italie, qui essaie de d’éloigner de ce monde de ténèbres, dans son domaine des Feuillades, entre les feuilles d’un arbre, le vol d’une hirondelle et ses écrits où se côtoient herbiers et héros de l’Antiquité. Avec sa femme Louise, il aura deux enfants, un fils Ulysse et une fille Phœbé, des prénoms pas très catholiques mais ô combien emblématiques… Des étoiles, des sages de l’antiquité… il dialogue avec eux en silence et semble être un homme un peu effacé par rapport au tumulte religieux derrière les collines.
Son fils Ulysse est son contraire. Timide et d’aspect fragile, il grandit dans un contexte familial à la fois soudé et distant. Seule sa petite sœur Phœbé semble l’émouvoir, ce petit peuplier différent qui ne parle pas, ne grandit pas et a les yeux bridés… mais entre les deux, une grande communion existe. Les années passant, il devient un fervent catholique et seule cette religion trouve grâce à ses yeux et encore plus à son âme, malgré son cœur qui balance pour Flore, protestante et fille du pire ennemi de la famille. Un jour Phœbé rejoint les étoiles éternelles et aussitôt Ulysse quitte le foyer familial avec pour seul regret celui de quitter sa chère mère. Son père, il le déteste, ne lui trouve plus que des défauts et surtout il devient profondément blessé quand il apprend qu’il rejoint fréquemment le lit de la servante…Timoré il était, ardent combattant il va devenir. Mais cette épopée belliqueuse et religieuse, le fera revenir sur ses terres d’origine avec un esprit bien transformé.
Ce sont les pensées de Gabriel puis d’Ulysse qui forment les deux parties de ce récit. Certes, quelques longueurs sont à déplorer mais c’est un véritable hymne à la sagesse et à la poésie qui coule sous vos yeux, une extrême délicatesse des sentiments sur fond d’intolérance religieuse. Ce fanatisme brutal, sans l’once d’un regret face aux massacres, aux tortures, aux corps pendus, déchiquetés, brûlés… qui renvoie à cette sempiternelle réflexion sur l’irresponsable mélange entre spiritualité et politique. « Les serviteurs inutiles » est une réussite littéraire, tant pour la sensibilité inouïe que pour la sagesse et l’humilité de l’écrit. S’ajoute le plaisir de redécouvrir des mots désuets, tels que « fleurdelysé », « hallier », « palude » ou encore « poutraison ». La voix de la raison par une plume en floraison.
« Je ne m’accommode d’une morale, d’une sagesse, d’une religion que si elles sont indulgentes à nos errements et ne prétendent pas éradiquer l’ivraie dont j’aime apercevoir quelques hautes tiges dans le champ où pousse le bon grain. »
« La multitude des étoiles dans la nuit me rappelait que l’univers était immense et éternel, et que les misères que nous subissions n’étaient que passagères illusions. »
« Je rêve d’une autre religion, toute nouvelle ou très ancienne, sans dogme ni culte, sans prêtres ni guerres, dont le seul exercice de piété serait la joie d’être au monde. »
http://squirelito.blogspot.fr/2017/11/une-noisette-un-livre-les-serviteurs.html
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