Tueurs ou victimes, attentats ou éléments déchainés, les évènements tragiques interpellent les auteurs de cette rentrée littéraire
Dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011, Laëtitia Perrais a été enlevée à 50 mètres de chez elle, avant d'être poignardée et étranglée. Il a fallu des semaines pour retrouver son corps. Elle avait 18 ans.Ce fait divers s'est transformé en affaire d'État : Nicolas Sarkozy, alors président de la République, a reproché aux juges de ne pas avoir assuré le suivi du « présumé coupable », précipitant 8 000 magistrats dans la rue, en février 2011. Mais Laëtitia Perrais n'est pas un fait divers. Comment peut-on réduire la vie de quelqu'un à sa mort, au crime qui l'a emporté ? Pendant deux ans, Ivan Jablonka a rencontré les proches de la jeune fille, sa soeur jumelle, ses parents, ses amis, les responsables des services sociaux, ainsi que l'ensemble des acteurs de l'enquête, gendarmes, juges d'instruction, procureurs, avocats et journalistes, avant d'assister au procès du meurtrier, en octobre 2015. De cette manière, Ivan Jablonka a pu reconstituer l'histoire de Laëtitia. Il a étudié le fait divers comme un objet d'histoire, et la vie de Laëtitia comme un fait social. Car, dès sa plus jeune enfance, Laëtitia a été maltraitée, accoutumée à vivre dans la peur, et ce parcours de violences éclaire à la fois sa fin tragique et notre société tout entière : un monde où les femmes se font harceler, frapper, violer, tuer.
Tueurs ou victimes, attentats ou éléments déchainés, les évènements tragiques interpellent les auteurs de cette rentrée littéraire
Livre poignant. Mélange entre récit de vie et enquête policière.
" Je voulais montrer qu'un fait divers peut-être analysé comme un objet d'histoire... l'affaire Laetitia dissimule une profondeur humaine et un certain état de la société.."
Prix Médicis, prix littéraire du Monde, prix des Prix pour ce roman-enquête de cet écrivain, professeur et éditeur.
Laetitia s'attaque à deux objectifs: d'une part, analyser les ressorts et acteurs qui font d'un fait divers un événement national, et d'autre part, rendre un peu de son humanité à la jeune fille qui s'est vue par ce processus réduite à son oeuvre.
La pluralité des perspectives sur l'enquête et ses enjeux au niveau national sont finement analysés, et permettent ainsi de mettre en lumière le non alignement des intérêts des parties prenantes autour de l'enquête (politique, judiciaire, policier, journalisme...) et l'impact de ces conflits sur l'enquête. En revanche, j'ai l'impression que ce livre a poursuivi la réduction de cette jeune fille à sa mort.
Sur une thématique similaire au premier aspect, je recommande la série de podcasts "Estelle, disparue" (France culture).
Que dire sans être pas assez juste?
Ecrire un avis sur ce livre me semble un exercice compliqué pour moi tant je désire partager mon sentiment après cette lecture, mais j'ai peur de ne pas être assez percutante. Ce livre est une ode à la féminité arrachée trop tôt par les mains barbouillées de férocité d'un homme inqualifiable. Laeticia a souffert toute sa vie. Elle est née dans la fureur et les cris, et c'est ainsi qu'elle quittera notre monde, tout en restant elle, ce qu'elle a incarnée depuis très jeune; Une jeune femme courageuse et solaire qui rêvait de voir ses ailes se déployer devant un horizon lumineux.
Très touchée par ce fait divers abominable, je me suis dirigée légitimement vers ce livre.
Je dois dire que je trouve (cela n'engage que moi) que l'auteur a su rendre hommage à cette douce jeune fille qui ne demandait qu'à s 'en sortir, jeune ange parmi le barbare, frêle silhouette face aux colosses.
Certains chapitres sont très durs. je n'ai pas d'autres mots mais il me semble que c'est un livre nécessaire.
J'ai pleuré. J'ai serré les poings. Je suis restée interdite. J'ai voulu courir à perdre haleine. Ce livre m'a procuré toutes les sensations que je prévoyais.
ll est très bien décrit, son écriture est ciselé et forte.
Pour moi ce livre est un de mes must.
"Laëticia Perrais a 18 ans et la vie devant elle. dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011, elle a été enlevée, puis tuée. Ce fait divers est devenu une affaire d'état soulevant une vague d'émotions sans précédent. "
"
"C'est ma douleur que je cultive
En frappant ces huit lettres-là
Elaeudanla Téïtéïa.." ces vers de Gainsbourg tournent dans ma tête après avoir terminé ce livre puissant, mélange d'enquête, d'essai, d'étude sociologique, d'étude politique qui redonne sa dignité à cette jeune fille de 18 ans,Laëtitia Perrais tuée par un criminel. Pour ne pas oublier que c'est un homme qui a fait cela à une femme.
L’affaire Laëtitia a défrayé la chronique dans les années 2000. Cette pauvre gamine de 18 ans, assassinée, démembrée, a ému la France entière.
L’auteur fait un examen clinique de cette affaire, écoutant les divers témoignages des uns et des autres pour proposer un document très bien foutu, très bien écrit qui se lit comme un roman.
Une destinée tragique et romanesque pour une jeune-fille finalement très ordinaire.
Ce livre est tout simplement magnifique et bouleversant. C'est un peu la chronique d'une mort annoncée. L'auteur nous démontre combien ce n'était pas un hasard, hélas, si Laetitia est devenue une proie, la proie d'un homme, ce mardi 18 janvier 2011. Laetitia était une victime non pas désignée mais latente car son système de protection était désactivé depuis l'enfance. "La manière dont Laetitia se jette dans la gueule du loup a quelque chose de suicidaire, sa mise en danger volontaire a une résonance tragique qui est l'écho de son enfance... Soumission à la loi des hommes... Laetitia en est l'héritière."
"Comprendre comment un fait divers en tant qu'objet d'histoire, c'est se tourner vers la société, la famille, l'enfant, la condition de la femme, la culture des masses, les formes de la violence, les médias, la justice, la politique... faute de quoi le fait divers reste un arrêt du destin."
Avec ce livre, Ivan Jablonka parvient à ne pas réduire Laetitia Perrais à sa mort et à une victime d'un fait divers. Il lui redonne la vie qu'elle méritait. A lire absolument
Avec « Laëtitia », le sociologue Ivan Jablonka s’inscrit dans la même démarche que celle de Morgan Sportes lorsqu’il publie « Tout, tout de suite », c'est-à-dire qu’il décortique un fait divers pour dénicher ce qui est caché derrière, ce que ce fait divers montre de la psychologie humaine mais aussi de la société et de la politique. C’est un exercice particulier dans le sens où l’on n’écrit pas une fiction mais on décrit, avec le recul nécessaire, un fait divers sordide et il faut le faire sans complaisance, sans voyeurisme et avec une vraie hauteur de vue, l’exercice est périlleux. Jablonka nous raconte l’avant drame, l’histoire courte mais terrifiante d’une gamine de 19 ans cernée de toute part par la violence des hommes qui manipulent, violent, frappent et finalement tuent les femmes. Que ce soit dans la cellule familiale, la famille d’accueil ou bien dans une mauvaise rencontre finale, Laëtitia n’a connu que des rapports de force. En alternance avec cette enfance et cette adolescente terrifiante, Jablonka raconte l’après drame, l’enquête, la procédure, le dévouement des gendarmes, la célérité et le tact du juge d’instruction, mais aussi l’ignominieuse récupération politique que le Président de la République de l’époque fera du crime dés les premières heures de l’enquête. Jablonka est extrêmement dur avec cet homme politique que je n’ai même pas besoin de nommer, et avec raison. Lorsque l’on se comporte en charognard, on ne mérite que d’être traité comme tel. L’avant et l’après se rejoignent à la fin du livre pour les derniers chapitres, ceux de la soirée tragique du 18 janvier 2011 où Laetitia, qui n’est plus elle-même pour une raison qu’on ne connaitre jamais, croise la route de Tony Meilhon. Comme tous les autres hommes qu’elle aura croisé, il ne lui apportera que de la manipulation et de la violence, sauf que lui l’étranglera avant de la couper en 6 morceaux et de la jeter dans des sacs poubelles. Il y a dans le livre de Jablonka une sorte de fatalisme, comme si la vie n’avait laissé à cette jeune femme aucune chance dés le départ. Je n’ai pas peur de le dire, « Laetitia » est un très grand livre, inoubliable, percutant et presque d’utilité publique. « Laetitia ou la fin des Hommes », c’est son véritable titre, parce que au-delà d’un récit de fait divers, au-delà d’une enquête de police et d’une procédure de justice, ce livre donne des clefs sur cette société patriarcale qui n’en finit pas de mourir, sur cette société où les Hommes prennent, disposent, imposent et où les Femmes cèdent, subissent et parfois meurent. Ce n’est pas un livre féministe, c’est beaucoup plus que cela, c’est une leçon de sociologie appliquée, sérieuse mais parfaitement accessible. C’est un livre coup de poing qui, à travers le calvaire d’une gamine de 19 ans, en dit tellement sur nous même et sur la société dans laquelle nous vivons que, quand le livre se termine, on en a presque la tête qui tourne.
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