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« Je nomme violence une audace au repos amoureuse des périls. On la distingue dans un regard, une démarche, un sourire, et c'est en vous qu'elle produit des remous. Elle vous démonte. Cette violence est un calme qui vous agite. On dit quelquefois : "Un gars qui a de la gueule." Les traits délicats de Pilorge étaient d'une violence extrême. Leur délicatesse était violence. »
Afin de conjurer le sort –cette incapacité à écrire régulièrement dure depuis bien trop longtemps à mon goût- je m’efforce pour une fois de plaquer quelques phrases dès la lecture d’un livre terminée. Cela ne m’arrive jamais et est plutôt l’apanage de mon acolyte Cécile mais j’en ai assez de laisser trainer certaines choses ; j’ai de plus en plus la sensation de mettre de côté notre blog littéraire et cela ne me sied guère. Sous couvert de « je n’y arrive plus », « je ne trouve pas les mots », « je n’ai plus le temps », « je suis nulle » et autres fausses excuses, je poursuis mes lectures sans même y glisser quelques notes, quelques mots et cela même pour mes immenses coups de cœur (je n’ai toujours rien écrit sur Débâclede Lize Spit, qui a été d’une telle résonnance pour moi l’an dernier !).
Bref.
Me voici devant mon ordinateur, Journal du voleur à mes côtés. Et j’attends que les mots me viennent.
En toute franchise, je ne connaissais Jean Genet que de nom et je ne me serais sans doute jamais penchée sur ses écrits si je n’étais pas tombée (en amour !) il y a déjà plusieurs années sur l’album d’Etienne Daho et de Jeanne Moreau « Le condamné à mort ». Il est à ce jour un de mes albums de musique favoris et je me devais d’aller faire un tour à la lettre G dans les rayonnages de librairies. Mon choix se porta sur ce Journal du voleur, allez savoir pourquoi.
Je me trouve dans un drôle d’état devant ce récit que je mis du temps à lire, l’écriture y étant à mon goût ardue, d’un style étrange et un peu nouveau pour moi, la construction dénuée de chronologie, Genet préférant se laisser porter par les souvenirs comme ils viennent, glanant ici ou là des ellipses, des flash-backs ou autres prolepses ; drôle d’état aussi par les propos de l’auteur pour le moins déconcertants, intrigants étant sans doute un terme plus juste pour dire mon attirance pour la vie et les pensées de cet homme.
« Dans ce journal je ne veux pas dissimuler les autres raisons qui me firent voleur, la plus simple étant la nécessité de manger, toutefois dans mon choix n’entrèrent jamais la révolte, l’amertume, la colère ou quelque sentiment pareil. Avec un soin maniaque, « un soin jaloux », je préparai mon aventure comme on dispose une couche, une chambre pour l’amour : j’ai bandé pour le crime. » (p.13)
Vous trouverez dans ce « journal » tout ce que l’on peut avoir habituellement dans un roman ou un récit : des héros aux corps sculptés, des mésaventures ou bagarres dignes d’un chevalier hors du commun, des réflexions philosophiques sur le monde qui nous entoure, des histoires d’amour toutes les trois pages… Mais la force de Genet est qu’il tord le cou à tous ces thèmes, il les triture, les fait siens en se foutant bien de la bienséance… Son propos est tout autre : les héros sont des vagabonds, des bagnards, des voleurs, des gars de rien qui n’ont rien à perdre, des sodomites d’une virilité à toute épreuve, où les maîtres-mots pourraient être la traîtrise et le crime toujours plus vil. Oui, Genet voue une passion pour les marlous en tous genres et surtout pour ceux-là même qui le traitent mal, le rabaissent, le méprisent.
Tel un parcours initiatique au milieu de la fange du début du vingtième siècle, Genet nous montre à voir, expose au regard ce que l’on refuse d’avoir sous les yeux, ce que l’on ne veut pas admettre dans la société de cette époque : la crasse, les poux, le vol, le sexe comme ultime consécration de l’amour, les maquereaux et leurs putes ; mais surtout l’incroyable subversion contre l’ordre établi de tous ces personnages. Et Genet en tête.
Lecture longue et ardue, donc, mais qui m’ouvre de nouvelles portes littéraires : je vais continuer ma rencontre avec cet homme hors du commun, où la pire horreur est magnifiée par la maîtrise de la langue, des mots, d’une poésie d’un genre nouveau.
« À la complicité qui nous unit, s’ajoute un accord secret, une sorte de pacte ténu, que peu de chose, semble-t-il, pourrait déchirer, mais que je sais protéger, traiter avec des doigts déliés : c’est le souvenir de nos nuits d’amour, ou quelque fois d’une brève conversation amoureuse, ou de frôlements acceptés avec le sourire et le soupir retenu d’un pressentiment de volupté. » (p.286)
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