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Je vous souhaite la bienvenue et merci de réagir dans cette chronique s'il vous trotte dans la tête un premier livre ou roman.
Je vous propose une fiction intemporelle.
Amitiés
JM
"Ce n'est vraisemblablement pas le meilleur endroit pour en parler !!!
Aussi vais-je essayer de vous répondre le plus simplement du monde et surtout le plus sincèrement, sans détour. Je suis là depuis longtemps et j'entretiens la flamme du phare du village.
"Lecteurs" est un peu mon "Village", quelque part dans une région de passage entre plaine et montagne avec la mer toute proche. Ce pourrait être une île. De fait, il bénéficie de tous les voyageurs qui comme dans "l'auberge espagnole" apportent un peu de ce qu'ils cherchent.
Ils arrivent à pied, par bateau, par avion. Mais souvent ils ne font que passer. Certains viennent de loin. Ils ont soif de connaissances et pensent en trouver sans déposer un crédit (monnaie locale). Leur langage est parfois frustre. Souvent, et nous en sommes plusieurs à leur répondre pour leur indiquer le chemin. Ils repartent si vite qu'ils ne donnent pas un merci ni ne cherchent à faire connaissance.
Dans ce "Village" nous recevons des informations. Elles arrivent par le grand soleil de couleur orange. Ainsi l'on découvre dans le système que des auteurs écrivent et certains en sont récompensés. Parfois même, ils viennent dans des vaisseaux super rapides et ponctionnent quelques élites parmi nous pour les aider à y voir plus clair et prendre la bonne décision.
Alors, ici, on s'organise. Certain(e)s m'appellent le Maire du village. C'est vrai que j'aime bien parler pour les autres. J'aime aussi observer et proposer des choix, des idées et des discussions.
Ici, on écrit car la tradition orale n'est pas encore en vigueur. Mais bientôt nous pourrons parler entre nous et avec les étrangers à la peau orange "aussi".
J'aime beaucoup cet endroit. On y croise Tintin, les Mousquetaires, quelques supers héros, des princesses qu'on déboulonne. Tout le monde a un nom d'emprunt et agit incognito. On porte tous un uniforme avec des autocollants collés dessus pour montrer les choses que l'on aime. Et puis on a tous le même âge.
Un jour, une étrangère en freelance est passée au Village et nous a proposé de parler des nouveaux livres des auteurs. Alors on s'est dit qu'on allait pouvoir faire des choses ensemble. De temps en temps, certains d'entre nous sont téléportés dans un no man's land et parlent seuls à un appareil qui enregistrent notre voix et notre visage et nos interrogations. Ils parait que les Auteurs reçoivent ces messages. C'est bien on communique !!!
Mais je vous parle, je vous parle ! Alors que je ne suis pas vraiment là. Je suis un hologramme et il s'est écoulé 10.000 ans. Mes frères, les Atlantes ont disparu dans la mer sans laisser de vestiges ou si peu. Tout s'est passé si vite qu'ils ont oublié de m'éteindre.
J'ai tellement de choses à dire.
Et il y a tant de livres à lire.
Vous voulez un Granola ? J'ai fait un peu de café.
Si vous restez un peu, à observer, vous les verrez et les entendrez. Même les fantômes ont des choses à dire."
Extrait des "Chroniques du Village : le veilleur " de JM PALACIOS
Bonjour jean-Michel,
Je commence souvent un nouveau roman..... Que je ne termine jamais! Alors, je me contente de quelques "nouvelles" ....
Je ne cherche pas à être publié un jour, mais mon dernier investissement sur une tablette ,m'ouvre des perspectives jusqu'alors invisibles, les ebooks sont une vraie lueur d'espoir pour nos jeunes auteurs!
Alors, je vais suivre trés attentivement cette discussion! bien amicalement à tous
Je vous souhaite la bienvenue et merci de passer nous dire bonjour au Village.
Il semble en effet que la tentation d'écrire se trouve un chemin simplifié par les tablettes connectées offrant ainsi à notre imaginaire tout un champ de possibles.
N"hésitez pas cependant à nous laisser un trace de votre passage, improvisez s'il le faut, même un poème fera notre bonheur.
Merci JM de votre bienvenue, mais vous voulez dire sans doute que je suis invité à venir publier un de mes premiers essais ICI? Ou dois-je aller dans un endroit plus adequat?
J'ai ouvert cette discussion, il y a de cela plus d'un an pour permettre à des "auteurs en herbe" que nous sommes tous plus ou moins, d'écrire un passage d'un livre qu'ils ont commencé un jour dans leur tête, au volant de leur voiture, un matin , un jour, une nuit, dans un cahier, sur un ordinateur ou déjà publié sans un succès particulier.
C'est ici à mon avis une belle tribune pour glisser quelques mots voire même les improviser.
Je pense avoir introduit 3 textes au cours de cette discussion qui sont nés dans l'instant. Il n'y a pas de règle.
C'est un espace de liberté.
On peut écrire sur les murs de la ville mais il viendra des employés pour les effacer. On peut les écrire dans les transports, les lire dans des cercles de lecture ou de poésie.
Ici, nous n'avons pas le son ni les images, uniquement la force des mots et les idées qui en découlent.
Dans une autre discussion en cours, je viens aussi de proposer à Isabelle et Francis d'ouvrir une discussion dédiée "aux jeunes auteurs et aux petites maisons d'éditions".
Il vivait seul, un hameau perdu dans la montagne, une vieille maison un peu branlante.....
Sa seule compagnie avait été, jusqu'à ces derniers mois, sa petite chienne Edrayoun, qui était morte après cinq ans d'amour pour son maître....
Le chagrin le submergeait parfois, alors il partait à l'aventure, revenant sans cesse sur les lieux où elle avait été si heureuse : les prairies où elle courait après la balle qu'il lui lançait, les forêts dont elle connaissait tous les taillis, tous les coins de mousse pour se rafraîchir pendant les heures chaudes de l'été, et les monts et vallées qu'ils avaient courus si souvent.
Il avait d'abord cru qu'il ne pourrait plus jamais avoir un autre animal de compagnie. La peine avait été si grande, qu'il pensait ne pas pouvoir refaire ce chemin si difficile. Et il y avait sa chatte qui, sentant la solitude de son maître, redoublait de câlins pour lui... Mais un chat, aussi gentil soit-il, n'a pas les relations d'un chien avec les hommes.
Alors, il cherchait tous les signes qu'elle pourrait faire, dans sa vie de l'au-delà, pour lui dire qu'elle était toujours là, près de lui, même si son corps gisait sous la terre.
Malgré ses doutes et son peu de foi, il avait besoin d'espérer qu'elle était autre chose qu'un peu de chair morte, qu'elle vivait encore quelque part, dans l'immensité de l'univers.
Mais rien ne venait lui laisser supposer qu'il pouvait espérer, et les jours, les semaines et les mois passaient.....
L'hiver était venu. Dans la quiétude de la vieille maison, le feu brûlait et aurait pu laisser croire au bonheur, mais ce n'étaient que mirage et solitude sans joie.
Dehors, tous les démons de la nuit hurlaient dans la montagne, la neige se soulevait en longues écharpes glacées, et même ceux qui étaient pourvus de fourrures restaient dans les tanières.....
Dans la forêt, tout était gémissements, craquements des bois torturés par la main du géant qui régnait ce soir sur la nature. Les branches d'un grand pin descendaient presque jusqu'à terre, elles n'échappaient pas aux assauts de la tempête. Sur son tronc on avait fixé une planche gravée de ce simple mot : " Fidèle ". Sans la neige, on aurait pu voir un tumulus de terre et un rosier sauvage, mais curieusement, un calme relatif s'était installé sous l'arbre, et, chose plus étrange encore, un feu follet dansait dans la poussière argentée qui tombait du ciel.....
La petite flamme bleue était presque aussi ténue qu'un souffle d'air, elle se tordait et se déchirait parfois, se reformant, pour reprendre son tournoiement encore et encore..... Image fragile, mais si solide aussi, symbole venu d'un monde où la matière n'a plus de poids.
Puis, dans une dernière virevolte, elle se laissa emporter sur les ailes du vent ...
Son nom était Icare, berger des Pyrénées. C'était un chien heureux, il avait des petits maîtres qui le dorlotaient, une vaste maison, une liberté totale, et c'était bien là son problème. Ill avait appris à se suffire à lui même, ne revenant au logis que pour sa pitance. Personne n'exigeait de lui la moindre obéissance, ni ne l'obligeait à respecter les lois qui régissent les rapports familiaux. Alors il avait grandi selon son humeur, tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, évitant les mauvais coups chez les grincheux, recherchant les caresses chez les gentils !
Ses vagabondages attiraient de gros problèmes à ses maîtres, et les gendarmes le ramenaient parfois, avec des menaces pour la prochaine incartade ! Il n'en avait cure, sa soif d'aventures reprenait toujours le pas sur la sagesse. Pourtant il était plein de bonne volonté et son cœur débordait d'amour. Il ignorait simplement qu'un chien ne peut être heureux sans l'amour et la présence d'un être humain.
Ce soir là, il traînait depuis trois jours. La pluie avait balayé l'odeur de sa propre piste. Il avait faim. Deux voitures avaient failli l'écraser et il se sentait misérable. La ferme où il arriva paraissait très accueillante : il flottait dans l'air une bonne odeur de viande cuite. Il s'approcha alors très prudemment ; l'odeur d'un autre chien était perceptible. Lorsqu'il vit le molosse, il tenta une approche " en douceur "profil bas, regard bien soumis, et le peu de queue laissée par ce vétérinaire de malheur s'agitant très joyeusement..... Peine perdue, les aboiements se faisaient très menaçants ; il était très costaud celui là, pas moyen de tenter un passage en force ! Comble de malheur, le maître des lieux sortit et lui jeta une pierre.
Il fila en jappant plaintivement, et alla s'abriter sous un rocher. La pluie ne l'atteindrait pas là dessous...
Il s'était presque endormi, quand une sensation bizarre lui fit dresser la tête. L'air était plein de douceur, pourtant nulle source de chaleur en vue. Mieux il flottait un délicieux arôme de poulet rôti et là, çà valait le coup de se déranger ! Il s'ébroua, et tenta de localiser la direction du festin ; l'odeur venait de partout et de nulle part, son flair était bon, mais il semblait avoir perdu toute efficacité ! Alors, dans l'obscurité, il la vit, elle était comme un de ces papillons bleus qui se régalent de bouses de vaches, ils sont toujours en myriades. Mais elle était seule, et il n'avait jamais vu de papillons lumineux comme elle ; elle semblait danser et même elle s'enhardit jusqu'à venir lui frôler la truffe. Le coup de mâchoires qu'il envoya la repoussa de quelques centimètres, mais elle revenait à la charge, semblant vouloir jouer avec lui... Il n'avait pas la tête au jeu, il lui fallait trouver de quoi se rassasier, et il secoua la tête pour signifier clairement son mépris.
La lueur, s'écarta, puis revint. Tiens, il semblait que le repas se trouvait dans sa direction ! ! Il se rapprocha, la flamme s'éloigna, et, l'un entraînant l'autre, il suivit, en espérant ne pas se fourvoyer une fois de plus... Mais l'odeur était bien là, et, miracle ! Une maison éclairée, et des rires d'enfants. Mieux encore, la porte n'était que poussée, il engagea sa truffe, et se pétrifia de terreur : une forte voix d'homme enjoignait aux enfants de fermer " cette bon dieu de porte " ! La fillette avait 8 ou 10 ans, et quand elle vit le responsable du courant d'air, elle jeta un coup d'œil affolé derrière elle, puis le regard suppliant et l'air si malheureux de la boule fauve l'emplirent de pitié. Elle se tourna vers le père, en disant : " Le portail est ouvert, je vais le fermer... " et caressa la tête trempée en l'entraînant vers un abri sous le perron, " Restes là, je vais revenir ! "
Il ne risquait pas de partir ! ! ! La faim était toujours aussi féroce, mais il était au sec... Une éternité plus tard, la petite fille revint avec un tas d'os , il n'avait donc pas rêvé ; elle le regarda manger, ou plutôt dévorer, en le caressant prudemment, puis lui dit : " tu es gentil, mais je dois rentrer sinon ça va paraître curieux... je viendrai demain matin.... "
L'automne arrivait. La nuit fut fraîche. Son pelage suffit toutefois à assurer son repos. L'humidité du matin le réveilla et il sortit pour reconnaître ce territoire si hospitalier. Levant la patte sur un arbre, apparemment placé là à son intention, il fut tiré brutalement de son bien-être : " Tu vas foutre le camp de là, oui ! ". Il détala juste à temps pour éviter le bâton lancé vers lui ! c'était la voix autoritaire du maître des lieux, l'homme ne plaisantait pas, il fila hors de portée en poussant un gémissement plaintif....
Le souvenir de sa gentille petite hôtesse le fit attendre un peu. Il se posa sous un arbre et reprit ses esprits, mais un gland, tombé du ciel, lui fit faire un bond de frayeur. Une feuille morte semblait avoir pris son museau pour objectif... c'en était trop ! Sa patience, jusque là sans faille, le lâcha, et un coup de dent agressif vint conclure l'incident.
Il reprit sa route au hasard, mais c'était compter sans toutes ces feuilles tourbillonnant comme des mouches autour de lui. C'était l'automne, d'accord, mais la ronde infernale des morceaux d'or devenait très anormale, elles ne respectaient plus les lois de la pesanteur, ne tombaient que pour mieux revenir le provoquer. Il se sauva , une fois encore. La panique l'empêchait d'agir comme il l'aurait souhaité : Son instinct n'était plus son meilleur conseiller, sa position misérable devenait insupportable, alors , dégoûté, il se mit à chercher une trace plus amicale, Une des feuilles l'avait choisi comme support, çà le gênait. Il tenta de s'en débarrasser, rien à faire. Avec la patte, il se frotta le museau. La feuille s'envola et dansa à 10 cm, sans faire mine de s'écarter. Il la suivit alors, reprenant sa route, avec réticence d'abord, plus volontiers ensuite, la dentelle dorée semblait plus amicale et puisqu'il suivait , prit un peu de champ. Elle le précédait dans les passages les plus confortables, semblait choisir la meilleure route. Il reprit confiance : le hasard l'avait bien guidé la veille, pourquoi ne pas renouveler l'expérience une fois encore ?
La journée fut longue, mais l'étrange guide tenait bon. Grâce à elle, il trouva une source claire où il s'abreuva, et une carcasse à moitié rongée....A chaque essai d'indépendance, la petite feuille semblait prise de folie, et s'arrangeait pour le ramener sur sa piste....A croire que le règne végétal prenait le pas sur l'animal...
Une balle de foin à moitié pourri servit d'abri improvisé au chien et à son lutin. Il dormit mieux , se sentant moins seul . Son pelage était sec, et le temps n'était plus aussi mauvais.
Au petit jour, la feuille dorée avait disparu. Il s'ébroua, et, sans hésiter, prit la direction du Nord. Il n'avait aucune idée de sa destination finale, mais une certitude l'habitait, il allait trouver un maître....Son allure d'errant était devenue celle d'un animal pressé d'arriver. Il ne perdait plus de temps à se nourrir. Quand il serait rendu , il aurait bien le temps de se rattraper.
La course dura des jours, des semaines... Le hasard semblait s'attacher à lui apporter le nécessaire à sa survie : les bergers rencontrés avaient tenté de l'amadouer avec un os et quelques caresses. Les enfants aussi : c'est que, malgré son allure pitoyable, il était de bonne race, et avait un port de tête très noble. La gentillesse se lisait dans son regard, mais nulle offre d'amitié ne pouvait le détourner de sa route. Il allait vers sa destinée, acceptant juste de quoi survivre des uns ou des autres.
L'hiver arrivait, la neige tombait, et la nature se repliait dans l'attente de son grand sommeil. Il souffrait, les pattes en sang, transi de froid, le découragement gagnait... Il se réfugia dans une vieille bergerie désertée pour l'hiver. Toute sa misère était revenue, son périple s'achèverait-il un jour ? Le doute s'était infiltré et rongeait sa volonté.
Le village , dans la vallée , semblait avoir été mis là comme une illustration de la nuit de Noël, les lumières brillaient aux fenêtres , à l'intérieur, les gens étaient gais, de bonnes odeurs de rôtis et de pâtisseries flottaient, et les enfants étaient survoltés dans l'attente des cadeaux.
Là haut, le hameau était sous la neige. En quelques heures, la couche atteignait 60 cm, et çà continuait de plus belle. La vieille maison ne craignait pas la rigueur de l'hiver. Depuis cent cinquante ans, elle accueillait les voyageurs, pèlerins d'abord - car elle avait été auberge en sa jeunesse - puis des occupants plus ou moins instables, restaient quelques semaines ou quelques mois avant d'aller s'installer en des lieux moins hostiles... Depuis cinq ans, il s'était installé là pour y finir sa vie, du moins il l'espérait. La solitude ne lui faisait pas peur.... Si au moins sa chienne n'était pas morte....
En cette nuit de Noël, les amis de la ferme voisine l'avaient invité, mais il ne voulait pas venir en intrus dans cette fête familiale, et préférait décliner, quitte à rester seul... Son humeur n'était pas joyeuse, mais il s'affairait quand même à préparer un repas sortant de l'ordinaire, il fallait bien respecter les traditions. Le repas ne serait pas extraordinaire mais un joli poulet fermier garni de champignons rôtissait dans le four, sous l'œil attentif de Chatoune qui aurait bien attaqué le festin avant l'heure....
La radio donnait les nouvelles, la météo n'était pas optimiste. Il se disait que, peut-être, un automobiliste viendrait chercher de l'aide ; cela arrivait parfois l'hiver, ils s'embarquaient sans un minimum d'équipement pour les routes enneigées, et les derniers contreforts du col leur étaient souvent fatals.... Il laissa volontairement la lumière allumée sur le perron, respectant ainsi la tradition d'accueil des temps passés. Le chasse-neige était passé, avec des grands saluts pour le réveillon. Pour eux, la perspective d'une nuit de boulot. La solitude se referma sur la maison et ses occupants...
Sur la route, l'effort devenait très dur : il ne sentait plus ses pattes gelées. Il fallait maintenant éviter les congères que le vent accumulait dans le creux des virages. Il aurait pourtant préféré rester à l'abri du talus de neige laissé par l'étrave du chasse-neige, mais la poudre était pire que tout : il enfonçait jusqu'au poitrail, chaque mètre parcouru l'obligeait à bondir, l'épuisant encore plus.
Une lumière, visible par intermittence dans les accalmies de la tempête, était son dernier espoir, c'était à coup sûr, signe de présence humaine. Peut-être qu'enfin la chance lui donnerait un abri pour la nuit, il se traîna encore un peu pour venir s'effondrer sous l'avancée : la neige y était déjà haute mais rien à côté de l'enfer qu'il venait de subir.....
Chatoune avait un comportement très bizarre, elle ne s'occupait plus du tout du poulet, et semblait vouloir sortir de toute urgence. D'ordinaire, avec le mauvais temps , elle restait bien pelotonnée au coin du poêle, et refusait obstinément de s'aventurer dehors. Là elle restait figée, miaulant plaintivement en fixant la porte de son regard bleu-vert.
" Tu veux sortir par ce temps de chien ? allons, tu vois bien qu'il neige ! "
Peine perdue, les miaulements disaient clairement sa détermination....
" Bon, puisque tu y tiens... Mais tu vas vouloir revenir aussitôt ! "
Il ouvrit la porte, et resta figé une seconde : " Mince alors, qu'est ce que... Je rêve ! ! ! "
La bête levait des yeux suppliants vers lui, un regard de fin du monde. Il se baissa, prudent : " Comment es-tu venu là ? Mais il comprit que tout commentaire était mal venu. Il y avait urgence. Il la saisit à pleins bras, et la porta devant la cheminée, puis sortit la vieille couverture d'Edrayoun, restée dans son coin en dernier refus de la mort, l'installa plus confortablement, et prit le temps de se remettre. Il lui donna une grande bolée d'eau, mais, trop épuisé, le chien n'avait plus la force de boire. Alors il osa une caresse, la main ouverte, paume en l'air en signe de paix, puis derrière l'oreille. Le chien ne réagissait plus, se laissant aller en tremblant convulsivement. A l'aide d'un coin de la couverture, il essuya le mieux possible la fourrure trempée, puis il le couvrit de sa veste fourrée, remit du bois pour alimenter un bon feu, et se servit un grand verre de vin en se grattant la tête, signe de grande réflexion chez lui....
Cette arrivée impromptue était si surprenante qu'il devait d'abord remettre un peu d'ordre dans sa tête : Evidemment, d'abord le soigner....
Il approcha la gamelle de Chatoune, emplie d'eau, du museau du chien. L'absence de réaction l'obligea à utiliser une pipette à vin, il laissa filer quelques gouttes dans les babines qu'il retroussa, la langue se mit à l'ouvrage suivie d'une déglutition, puis une autre. La bête entrouvrit un œil, puis souleva la tête en signe de demande, une ressucée fut absorbée plus aisément, puis il trouva la force de se relever pour laper avidement prés de la moitié de la gamelle.... -Ben, mon vieux, te déshydrater à ce point dans une telle tempête de neige ! faut le faire !
L'homme le regardait avec attendrissement, se ressaisissant : " Mais c'est pas tout, tu dois avoir aussi faim que soif ! ". Il flatta doucement la tête puis gratta derrière les oreilles, on va attaquer le réveillon plus tôt que prévu !
Il sortit la boule de pain, en tailla une grande tranche, qu'il couvrit généreusement de pâté de campagne, l'odeur se répandit, couvrant celle du poulet.... Le chien se mit à saliver, et s'approcha, manifestant son intérêt par les oreilles en éveil : Il goûta un morceau que lui tendait son hôte, et avala dés que la saveur fut identifiée. - Là, doucement, doucement, tu dois manger, mais modérément ! Il lui tendait des morceaux coupés très petits et le fit volontairement attendre entre chaque bouchée. Le regard de remerciement fut si expressif qu'il en fût remué jusqu'au fond du cœur.
" Tu en auras d'autres tout à l'heure, mais il faut d'abord aller boire et digérer... "
Durant tout ce temps, la chatte suivait d'un œil méfiant les opérations, l'intrus n'était visiblement pas son ami, mais, habituée aux chiens plus ou moins excentriques des amis bergers qui fréquentaient la maison, elle était de taille à se défendre.
Celui-ci ne semblait pas dangereux, surtout dans son état. Elle restait quand même sur ses gardes, mais un peu intriguée : cet inconnu n'était pas venu là par hasard. Il était clair qu'il avait fait une longue route. De quel pays lointain sortait-il ? Les yeux bleus traduisaient le rêve de la chatte ; ce n'était pas elle qui aurait quitté le foyer douillet pour courir les monts et chemins d'hiver. Elle s'étira langoureusement, puis décida de vérifier le caractère du nouveau venu. Elle s'approcha lentement, prête à faire marche arrière, ou à se défendre, les yeux rivés sur l'ennemi héréditaire. Pas de trace d'agressivité dans sa démarche ; il ne fallait pas donner de prétexte à une attaque. Le chien la regarda arriver, sans manifester d'inquiétude, puis il coucha le peu d'oreilles qu'on avait bien voulu lui laisser, en signe de paix. Chatoune approcha plus près encore, puis flaira le poil encore trempé pour stocker l'odeur en mémoire. Le chien s'était raidi, tout prêt à se défendre. Mais le félin se mit à ronronner et vint se lover dans le creux des pattes. Allons, c'était fait, pas besoin de traîner plus longtemps pour le classer dans les amis. La période d'observation durerait encore un peu pour mieux connaître l'autre, mais le premier pas était positif.
Le maître avait suivi le manège avec attention, prêt à intervenir. Puis il nota avec plaisir les signes de détente et s'occupa du repas. En ce soir de Noël, le menu n'était pas luxueux, mais il avait prévu plusieurs petites gourmandises : un peu de saumon pour Chatoune qui l'adorait, un bon vin déjà ouvert pour la circonstance et surtout, le poulet aux champignons et pommes de terre qui ferait le régal de tous.
Cela ramena les réflexions sur la surprise du jour. Comment comprendre la chose ? Un chien perdu ? Une fugue ? Un abandon ? Autant de questions sans réponse.
Première chose : l'animal avait-il des signes d'identité ? Il vérifia. Pas de collier. La race semblait être un berger mais dans cet état rien de certain. Il prit le téléphone et appela son ami Pascal à la gendarmerie de Colmars, lui raconta l'incident et promit de suivre son conseil : appeler le vétérinaire le plus proche pour vérifier si une disparition avait été signalée.
En attendant, il s'occuperait de réparer les dégâts.
Curieusement il avait besoin de connaître les origines du chien mais n'avait pas envie de trop approfondir. Il voulait savourer la joie de la compagnie inespérée qui lui était donnée en ce soir de Noël.
Il l'observa plus attentivement. Une vraie boule de poils gris, roux et presque blancs sur la partie postérieure. Curieux. Il n'avait pas de queue ! Il s'approcha, tâta la croupe ; un petit moignon vibrait sous la main : on lui avait coupé très court, bien trop court... et pourquoi ?
Il caressa longuement les oreilles et les trouva très courtes, elles aussi. Pourquoi avait-on mutilé ainsi la pauvre bête ? Bon, on verrait tout ça en bloc... Pour le moment, on allait se régaler.
Il mit un morceau de musique sur la vieille chaîne, puis sortit une vieille gamelle et la prépara pas loin de celle de la chatte. Le chien devint très attentif lorsque la volaille fut sortie du four. Le hors-d'œuvre improvisé était déjà loin. Il s'approcha, quémandant du regard. Mais un ordre le fit stopper : " Non, tu dois attendre que je te le donne ! "
Le festin avait pris une tournure très joyeuse. La maison semblait respirer le bonheur. La chatte ronronnait très fort. Et le poêle semblait lui aussi participer à la fête....
Une grande partie de la chair fut engloutie plutôt que dégustée par le chien. Maintenant sa fourrure était tout à fait sèche. Les épreuves passées avaient emmêlé le pelage, Un bon brossage était nécessaire. Quelques blessures étaient mal cicatrisées et les coussinets étaient presque à vif. Une heure de soin remit les choses à peu près en ordre. Le contemplant, il fut très satisfait du résultat :: " Tu as changé d'allure, c'est très bien, mais comment va-t-on t'appeler ? Voyons, tu as tout à fait l'air d'un ourson ébouriffé. Winnie t'ira très bien. "
Les yeux n'étaient plus seulement chargés de gratitude, des reflets d'or y passaient au gré des flammes, une adoration sans bornes se lisait dans les prunelles marron.
Trois jours étaient passés, Winnie s’était fondu dans le cercle familial comme si toute sa vie s’y était déroulée.... Les premières difficultés étaient venues de ses rapports avec Chatoune, elle avait clairement défini ses prérogatives, dés le départ, elle avait fixé son grade dans la hiérarchie familiale, c’était elle qui commandait après le maître ! Dur à avaler pour un chien qui, tout bon-enfant qu’il soit, n’avait jamais admis la race féline comme dominante sur les chiens....mais le côté bon-enfant avait prévalu, ou , plus astucieux encore, diplomatie suprême, il avait laissé la chatte marquer sa domination : elle avait le droit de manger la première dans le plat, elle pouvait le taquiner quand l’envie lui en prenait, comme s’il était simple souriceau, elle était assez fine , quand même , pour ne pas dépasser les limites susceptibles de réveiller les instincts d’autodéfense du chien : c’était arrivé un jour où les griffes acérées s’étaient plantées dans la couenne du chien, là, les dents avaient claqué très prés du museau de la chatte !
Bon bougre, il n’était pas dominant, il se contentait de suivre aveuglément son maître, il vivait dans le sillage de celui qu’il considérait comme son dieu, et peu à peu, comprenait mieux son rôle dans le nouveau cercle de sa vie ; Il devait veiller à prévenir de tout nouvel intrus qui viendrait à franchir les limites établies par le foyer : la maison, sa terrasse, et par extension, la route proche et le jardin enneigé, et, pourquoi pas ? Les limites du hameau !
Cela n’allait pas sans quelques problèmes, le jour où il se mit en tête d’empêcher Jojo, montagne Pyrénées de 90 kg, habitué à venir profiter, de temps à autres, de la gamelle familiale, de venir se servir ! La remise à niveau qu’il subit lui donna à réfléchir sur la relativité des droits élémentaires du chien de la maison .....
Il avait eu du mal à comprendre qu’un ordre du maître , çà ne se discute pas , çà s’exécute, et immédiatement, il avait été si longtemps livré à lui-même et habitué à assurer sa propre sécurité, ou à faire les actions qu’il jugeaient valables pour son intérêt, par adoration pour son dieu, il était prêt à faire tout ce qu’on lui ordonnait, couché, stop, ici, non, défendu, autant d’ordres qui n’avaient pas de signification réelle, mais il était plein de bonne volonté, il demandait à apprendre.
Doué d’une intelligence assez vive, il complétait son ignorance par de l’instinct, çà marchait, sauf si l’urgence de la situation venait mettre le trouble dans sa tête, il perdait alors tous ses moyens et se tétanisait de peur.
Physiquement, il était imbattable, c’était une vraie bombe, il se défoulait sitôt qu’il se sentait autorisé à foncer, et sa vitesse était hors de proportion avec sa taille, il se plaisait à montrer ce qu’il pouvait faire : même s’il fonçait, parfois trop, et se retrouvait en perdition. Un jour il avait traversé le parking sur le dos pour avoir oublié que la glace, çà glisse ! !
Puis vint le temps de la connaissance, jusque là, le chien et son maître s’étaient observés, l’homme essayait de cerner les qualités et les défauts profonds du chien : Là il y avait un stress probablement dû à un manque d’affection dans le milieu familial. Combien de gens décident un jour d’avoir un animal, comme on a envie d’un objet, c’est joli, c’est amusant, on croit parfois être protégé par un chien comme par le port d’une arme, on voudrait en faire un sosie d’homme. Les risques de perturber le chien sont généralement oubliés.... Puis, les joies d’avoir un animal font place à la lassitude des corvées entraînées, il faut le promener aux moments les plus difficiles, quand on serait si bien dans ses pantoufles ! il faut le shampouiner s’il est revenu sale, ou, pour peu que sa présence pose un problème lors d’un voyage, on a vite fait de s’en débarrasser à n’importe quel prix.
Winnie n’avait sans doute pas été abandonné au sens propre du mot, mais relégué dans son propre foyer, il n’avait pas trouvé son équilibre, et son éducation s’en était ressentie... Il était plein de qualités, sa race le portait à l’amour exclusif pour un maître, et il était aux aguets du moindre geste de celui-ci.
Il n’avait pas toujours la bonne interprétation, mais il compensait par une attention sans limites.
Le chien observait ainsi toutes les habitudes de son nouveau maître, il sut très vite repérer les moments importants de la vie : les repas, le sommeil, la promenade ; tout était annoncé par des signes, il était intelligent, et montra son désir de participer. Il savait que la mendicité pendant les repas était sévèrement défendue, alors il dressait le peu d’oreilles qui lui restaient pour manifester son intérêt ! Ou quand le rythme respiratoire changeait en fin de nuit, précédant l’éveil, il savait engager par ses mimiques à le faire sortir pour la première sortie du matin ! Il était devenu champion dans l’art de détecter un voyage en préparation! Alors il ne lâchait plus la voiture de l’oeil !
Le Maître avait trop tendance à comparer Winnie à celle qui l’avait précédé dans son cœur, comme Edrayoun était quasiment parfaite, bien sûr le pauvre Winnie tenait le mauvais bout de la corde ! Parfois les ordres devenaient très secs, le chien montrait alors sa soumission totale, Il était malheureux de la situation, mais à son maître, un bon chien pardonne tout....
Un jour pourtant, les choses changèrent :
Le chien était installé dans la voiture exceptionnellement à la place du passager, habituellement il était sur le siège arrière ; et son maître, jetant un coup d’œil machinal vers lui, le vit appuyé contre le dossier, le regardant, un amour infini au fond des yeux.... Le regard était exactement celui de sa pauvre chienne, elle passait des heures à le fixer ainsi, tout signifiait : Tu es Mon Maître, Mon Dieu, Mon Unique Amour....Il fut si saisi qu’il arrêta la voiture pour un câlin scellant l’amour entre eux.
Aujourd’hui, il y a quelque part, dans la montagne, un chien, un maître, et une chatoune, tous trois très heureux....Si vous passez par là bas, vous n’aurez pas de mal à les reconnaître : le chien gambade, le maître siffle, et la chatte ronronne.....
Merci Eugène pour ce joli conte de Noël. On a très envie de passer par là-bas pour rencontrer ces trois là. Je n'ai pas eu l'immense privilège jusqu'à présent d'une relation aussi exceptionnelle avec un animal et je le regrette. Est-ce votre cas ? Ce Winnie est-il un peu le vôtre ?
Bravo pour cette nouvelle. Je suis un peu comme vous, écrire un roman me semble insurmontable, alors je me contente de petits textes.
Bonne journée, Nina
Merci Nina,
Oui, Ce Winnie là a été mon chien, un animal exceptionnel, bien que venu , par un cadeau inespéré, dans ma vie de solitaire. Il a été parfois le dernier recours contre la solitude!
Pour mon manque de ténacité sur mes romans jamais terminés, c'est surtout mon caractère de "papillon" qui est le responsable! mais , un jour peut-etre....J'arriverais au bout! lol!
Bien amicalement
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Le 12/06/2013 à 15h34
Messages : 2407
Le 23/09/2013 à 10h55
Je vous propose une fiction intemporelle.
Amitiés
JM
"Ce n'est vraisemblablement pas le meilleur endroit pour en parler !!!
Aussi vais-je essayer de vous répondre le plus simplement du monde et surtout le plus sincèrement, sans détour. Je suis là depuis longtemps et j'entretiens la flamme du phare du village.
"Lecteurs" est un peu mon "Village", quelque part dans une région de passage entre plaine et montagne avec la mer toute proche. Ce pourrait être une île. De fait, il bénéficie de tous les voyageurs qui comme dans "l'auberge espagnole" apportent un peu de ce qu'ils cherchent.
Ils arrivent à pied, par bateau, par avion. Mais souvent ils ne font que passer. Certains viennent de loin. Ils ont soif de connaissances et pensent en trouver sans déposer un crédit (monnaie locale). Leur langage est parfois frustre. Souvent, et nous en sommes plusieurs à leur répondre pour leur indiquer le chemin. Ils repartent si vite qu'ils ne donnent pas un merci ni ne cherchent à faire connaissance.
Dans ce "Village" nous recevons des informations. Elles arrivent par le grand soleil de couleur orange. Ainsi l'on découvre dans le système que des auteurs écrivent et certains en sont récompensés. Parfois même, ils viennent dans des vaisseaux super rapides et ponctionnent quelques élites parmi nous pour les aider à y voir plus clair et prendre la bonne décision.
Alors, ici, on s'organise. Certain(e)s m'appellent le Maire du village. C'est vrai que j'aime bien parler pour les autres. J'aime aussi observer et proposer des choix, des idées et des discussions.
Ici, on écrit car la tradition orale n'est pas encore en vigueur. Mais bientôt nous pourrons parler entre nous et avec les étrangers à la peau orange "aussi".
J'aime beaucoup cet endroit. On y croise Tintin, les Mousquetaires, quelques supers héros, des princesses qu'on déboulonne. Tout le monde a un nom d'emprunt et agit incognito. On porte tous un uniforme avec des autocollants collés dessus pour montrer les choses que l'on aime. Et puis on a tous le même âge.
Un jour, une étrangère en freelance est passée au Village et nous a proposé de parler des nouveaux livres des auteurs. Alors on s'est dit qu'on allait pouvoir faire des choses ensemble. De temps en temps, certains d'entre nous sont téléportés dans un no man's land et parlent seuls à un appareil qui enregistrent notre voix et notre visage et nos interrogations. Ils parait que les Auteurs reçoivent ces messages. C'est bien on communique !!!
Mais je vous parle, je vous parle ! Alors que je ne suis pas vraiment là. Je suis un hologramme et il s'est écoulé 10.000 ans. Mes frères, les Atlantes ont disparu dans la mer sans laisser de vestiges ou si peu. Tout s'est passé si vite qu'ils ont oublié de m'éteindre.
J'ai tellement de choses à dire.
Et il y a tant de livres à lire.
Vous voulez un Granola ? J'ai fait un peu de café.
Si vous restez un peu, à observer, vous les verrez et les entendrez. Même les fantômes ont des choses à dire."
Extrait des "Chroniques du Village : le veilleur " de JM PALACIOS
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Le 24/09/2013 à 10h20
Une belle idée ces chroniques du village !
A bientôt pour la suivante...
Messages : 46
Le 01/10/2013 à 11h37
Je commence souvent un nouveau roman..... Que je ne termine jamais! Alors, je me contente de quelques "nouvelles" ....
Je ne cherche pas à être publié un jour, mais mon dernier investissement sur une tablette ,m'ouvre des perspectives jusqu'alors invisibles, les ebooks sont une vraie lueur d'espoir pour nos jeunes auteurs!
Alors, je vais suivre trés attentivement cette discussion! bien amicalement à tous
Messages : 2407
Le 01/10/2013 à 13h33
Je vous souhaite la bienvenue et merci de passer nous dire bonjour au Village.
Il semble en effet que la tentation d'écrire se trouve un chemin simplifié par les tablettes connectées offrant ainsi à notre imaginaire tout un champ de possibles.
N"hésitez pas cependant à nous laisser un trace de votre passage, improvisez s'il le faut, même un poème fera notre bonheur.
A très bientôt de vous lire.
Amitiés
JM
Messages : 46
Le 01/10/2013 à 18h43
Messages : 2407
Le 01/10/2013 à 19h28
J'ai ouvert cette discussion, il y a de cela plus d'un an pour permettre à des "auteurs en herbe" que nous sommes tous plus ou moins, d'écrire un passage d'un livre qu'ils ont commencé un jour dans leur tête, au volant de leur voiture, un matin , un jour, une nuit, dans un cahier, sur un ordinateur ou déjà publié sans un succès particulier.
C'est ici à mon avis une belle tribune pour glisser quelques mots voire même les improviser.
Je pense avoir introduit 3 textes au cours de cette discussion qui sont nés dans l'instant. Il n'y a pas de règle.
C'est un espace de liberté.
On peut écrire sur les murs de la ville mais il viendra des employés pour les effacer. On peut les écrire dans les transports, les lire dans des cercles de lecture ou de poésie.
Ici, nous n'avons pas le son ni les images, uniquement la force des mots et les idées qui en découlent.
Dans une autre discussion en cours, je viens aussi de proposer à Isabelle et Francis d'ouvrir une discussion dédiée "aux jeunes auteurs et aux petites maisons d'éditions".
Vous n'aurez que l'embarras du choix.
Amitiés
JM
Messages : 46
Le 02/10/2013 à 01h01
Il vivait seul, un hameau perdu dans la montagne, une vieille maison un peu branlante.....
Sa seule compagnie avait été, jusqu'à ces derniers mois, sa petite chienne Edrayoun, qui était morte après cinq ans d'amour pour son maître....
Le chagrin le submergeait parfois, alors il partait à l'aventure, revenant sans cesse sur les lieux où elle avait été si heureuse : les prairies où elle courait après la balle qu'il lui lançait, les forêts dont elle connaissait tous les taillis, tous les coins de mousse pour se rafraîchir pendant les heures chaudes de l'été, et les monts et vallées qu'ils avaient courus si souvent.
Il avait d'abord cru qu'il ne pourrait plus jamais avoir un autre animal de compagnie. La peine avait été si grande, qu'il pensait ne pas pouvoir refaire ce chemin si difficile. Et il y avait sa chatte qui, sentant la solitude de son maître, redoublait de câlins pour lui... Mais un chat, aussi gentil soit-il, n'a pas les relations d'un chien avec les hommes.
Alors, il cherchait tous les signes qu'elle pourrait faire, dans sa vie de l'au-delà, pour lui dire qu'elle était toujours là, près de lui, même si son corps gisait sous la terre.
Malgré ses doutes et son peu de foi, il avait besoin d'espérer qu'elle était autre chose qu'un peu de chair morte, qu'elle vivait encore quelque part, dans l'immensité de l'univers.
Mais rien ne venait lui laisser supposer qu'il pouvait espérer, et les jours, les semaines et les mois passaient.....
L'hiver était venu. Dans la quiétude de la vieille maison, le feu brûlait et aurait pu laisser croire au bonheur, mais ce n'étaient que mirage et solitude sans joie.
Dehors, tous les démons de la nuit hurlaient dans la montagne, la neige se soulevait en longues écharpes glacées, et même ceux qui étaient pourvus de fourrures restaient dans les tanières.....
Dans la forêt, tout était gémissements, craquements des bois torturés par la main du géant qui régnait ce soir sur la nature. Les branches d'un grand pin descendaient presque jusqu'à terre, elles n'échappaient pas aux assauts de la tempête. Sur son tronc on avait fixé une planche gravée de ce simple mot : " Fidèle ". Sans la neige, on aurait pu voir un tumulus de terre et un rosier sauvage, mais curieusement, un calme relatif s'était installé sous l'arbre, et, chose plus étrange encore, un feu follet dansait dans la poussière argentée qui tombait du ciel.....
La petite flamme bleue était presque aussi ténue qu'un souffle d'air, elle se tordait et se déchirait parfois, se reformant, pour reprendre son tournoiement encore et encore..... Image fragile, mais si solide aussi, symbole venu d'un monde où la matière n'a plus de poids.
Puis, dans une dernière virevolte, elle se laissa emporter sur les ailes du vent ...
Son nom était Icare, berger des Pyrénées. C'était un chien heureux, il avait des petits maîtres qui le dorlotaient, une vaste maison, une liberté totale, et c'était bien là son problème. Ill avait appris à se suffire à lui même, ne revenant au logis que pour sa pitance. Personne n'exigeait de lui la moindre obéissance, ni ne l'obligeait à respecter les lois qui régissent les rapports familiaux. Alors il avait grandi selon son humeur, tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, évitant les mauvais coups chez les grincheux, recherchant les caresses chez les gentils !
Ses vagabondages attiraient de gros problèmes à ses maîtres, et les gendarmes le ramenaient parfois, avec des menaces pour la prochaine incartade ! Il n'en avait cure, sa soif d'aventures reprenait toujours le pas sur la sagesse. Pourtant il était plein de bonne volonté et son cœur débordait d'amour. Il ignorait simplement qu'un chien ne peut être heureux sans l'amour et la présence d'un être humain.
Ce soir là, il traînait depuis trois jours. La pluie avait balayé l'odeur de sa propre piste. Il avait faim. Deux voitures avaient failli l'écraser et il se sentait misérable. La ferme où il arriva paraissait très accueillante : il flottait dans l'air une bonne odeur de viande cuite. Il s'approcha alors très prudemment ; l'odeur d'un autre chien était perceptible. Lorsqu'il vit le molosse, il tenta une approche " en douceur "profil bas, regard bien soumis, et le peu de queue laissée par ce vétérinaire de malheur s'agitant très joyeusement..... Peine perdue, les aboiements se faisaient très menaçants ; il était très costaud celui là, pas moyen de tenter un passage en force ! Comble de malheur, le maître des lieux sortit et lui jeta une pierre.
Il fila en jappant plaintivement, et alla s'abriter sous un rocher. La pluie ne l'atteindrait pas là dessous...
Il s'était presque endormi, quand une sensation bizarre lui fit dresser la tête. L'air était plein de douceur, pourtant nulle source de chaleur en vue. Mieux il flottait un délicieux arôme de poulet rôti et là, çà valait le coup de se déranger ! Il s'ébroua, et tenta de localiser la direction du festin ; l'odeur venait de partout et de nulle part, son flair était bon, mais il semblait avoir perdu toute efficacité ! Alors, dans l'obscurité, il la vit, elle était comme un de ces papillons bleus qui se régalent de bouses de vaches, ils sont toujours en myriades. Mais elle était seule, et il n'avait jamais vu de papillons lumineux comme elle ; elle semblait danser et même elle s'enhardit jusqu'à venir lui frôler la truffe. Le coup de mâchoires qu'il envoya la repoussa de quelques centimètres, mais elle revenait à la charge, semblant vouloir jouer avec lui... Il n'avait pas la tête au jeu, il lui fallait trouver de quoi se rassasier, et il secoua la tête pour signifier clairement son mépris.
La lueur, s'écarta, puis revint. Tiens, il semblait que le repas se trouvait dans sa direction ! ! Il se rapprocha, la flamme s'éloigna, et, l'un entraînant l'autre, il suivit, en espérant ne pas se fourvoyer une fois de plus... Mais l'odeur était bien là, et, miracle ! Une maison éclairée, et des rires d'enfants. Mieux encore, la porte n'était que poussée, il engagea sa truffe, et se pétrifia de terreur : une forte voix d'homme enjoignait aux enfants de fermer " cette bon dieu de porte " ! La fillette avait 8 ou 10 ans, et quand elle vit le responsable du courant d'air, elle jeta un coup d'œil affolé derrière elle, puis le regard suppliant et l'air si malheureux de la boule fauve l'emplirent de pitié. Elle se tourna vers le père, en disant : " Le portail est ouvert, je vais le fermer... " et caressa la tête trempée en l'entraînant vers un abri sous le perron, " Restes là, je vais revenir ! "
Il ne risquait pas de partir ! ! ! La faim était toujours aussi féroce, mais il était au sec... Une éternité plus tard, la petite fille revint avec un tas d'os , il n'avait donc pas rêvé ; elle le regarda manger, ou plutôt dévorer, en le caressant prudemment, puis lui dit : " tu es gentil, mais je dois rentrer sinon ça va paraître curieux... je viendrai demain matin.... "
L'automne arrivait. La nuit fut fraîche. Son pelage suffit toutefois à assurer son repos. L'humidité du matin le réveilla et il sortit pour reconnaître ce territoire si hospitalier. Levant la patte sur un arbre, apparemment placé là à son intention, il fut tiré brutalement de son bien-être : " Tu vas foutre le camp de là, oui ! ". Il détala juste à temps pour éviter le bâton lancé vers lui ! c'était la voix autoritaire du maître des lieux, l'homme ne plaisantait pas, il fila hors de portée en poussant un gémissement plaintif....
Le souvenir de sa gentille petite hôtesse le fit attendre un peu. Il se posa sous un arbre et reprit ses esprits, mais un gland, tombé du ciel, lui fit faire un bond de frayeur. Une feuille morte semblait avoir pris son museau pour objectif... c'en était trop ! Sa patience, jusque là sans faille, le lâcha, et un coup de dent agressif vint conclure l'incident.
Il reprit sa route au hasard, mais c'était compter sans toutes ces feuilles tourbillonnant comme des mouches autour de lui. C'était l'automne, d'accord, mais la ronde infernale des morceaux d'or devenait très anormale, elles ne respectaient plus les lois de la pesanteur, ne tombaient que pour mieux revenir le provoquer. Il se sauva , une fois encore. La panique l'empêchait d'agir comme il l'aurait souhaité : Son instinct n'était plus son meilleur conseiller, sa position misérable devenait insupportable, alors , dégoûté, il se mit à chercher une trace plus amicale, Une des feuilles l'avait choisi comme support, çà le gênait. Il tenta de s'en débarrasser, rien à faire. Avec la patte, il se frotta le museau. La feuille s'envola et dansa à 10 cm, sans faire mine de s'écarter. Il la suivit alors, reprenant sa route, avec réticence d'abord, plus volontiers ensuite, la dentelle dorée semblait plus amicale et puisqu'il suivait , prit un peu de champ. Elle le précédait dans les passages les plus confortables, semblait choisir la meilleure route. Il reprit confiance : le hasard l'avait bien guidé la veille, pourquoi ne pas renouveler l'expérience une fois encore ?
La journée fut longue, mais l'étrange guide tenait bon. Grâce à elle, il trouva une source claire où il s'abreuva, et une carcasse à moitié rongée....A chaque essai d'indépendance, la petite feuille semblait prise de folie, et s'arrangeait pour le ramener sur sa piste....A croire que le règne végétal prenait le pas sur l'animal...
Une balle de foin à moitié pourri servit d'abri improvisé au chien et à son lutin. Il dormit mieux , se sentant moins seul . Son pelage était sec, et le temps n'était plus aussi mauvais.
Au petit jour, la feuille dorée avait disparu. Il s'ébroua, et, sans hésiter, prit la direction du Nord. Il n'avait aucune idée de sa destination finale, mais une certitude l'habitait, il allait trouver un maître....Son allure d'errant était devenue celle d'un animal pressé d'arriver. Il ne perdait plus de temps à se nourrir. Quand il serait rendu , il aurait bien le temps de se rattraper.
La course dura des jours, des semaines... Le hasard semblait s'attacher à lui apporter le nécessaire à sa survie : les bergers rencontrés avaient tenté de l'amadouer avec un os et quelques caresses. Les enfants aussi : c'est que, malgré son allure pitoyable, il était de bonne race, et avait un port de tête très noble. La gentillesse se lisait dans son regard, mais nulle offre d'amitié ne pouvait le détourner de sa route. Il allait vers sa destinée, acceptant juste de quoi survivre des uns ou des autres.
L'hiver arrivait, la neige tombait, et la nature se repliait dans l'attente de son grand sommeil. Il souffrait, les pattes en sang, transi de froid, le découragement gagnait... Il se réfugia dans une vieille bergerie désertée pour l'hiver. Toute sa misère était revenue, son périple s'achèverait-il un jour ? Le doute s'était infiltré et rongeait sa volonté.
Le village , dans la vallée , semblait avoir été mis là comme une illustration de la nuit de Noël, les lumières brillaient aux fenêtres , à l'intérieur, les gens étaient gais, de bonnes odeurs de rôtis et de pâtisseries flottaient, et les enfants étaient survoltés dans l'attente des cadeaux.
Là haut, le hameau était sous la neige. En quelques heures, la couche atteignait 60 cm, et çà continuait de plus belle. La vieille maison ne craignait pas la rigueur de l'hiver. Depuis cent cinquante ans, elle accueillait les voyageurs, pèlerins d'abord - car elle avait été auberge en sa jeunesse - puis des occupants plus ou moins instables, restaient quelques semaines ou quelques mois avant d'aller s'installer en des lieux moins hostiles... Depuis cinq ans, il s'était installé là pour y finir sa vie, du moins il l'espérait. La solitude ne lui faisait pas peur.... Si au moins sa chienne n'était pas morte....
En cette nuit de Noël, les amis de la ferme voisine l'avaient invité, mais il ne voulait pas venir en intrus dans cette fête familiale, et préférait décliner, quitte à rester seul... Son humeur n'était pas joyeuse, mais il s'affairait quand même à préparer un repas sortant de l'ordinaire, il fallait bien respecter les traditions. Le repas ne serait pas extraordinaire mais un joli poulet fermier garni de champignons rôtissait dans le four, sous l'œil attentif de Chatoune qui aurait bien attaqué le festin avant l'heure....
La radio donnait les nouvelles, la météo n'était pas optimiste. Il se disait que, peut-être, un automobiliste viendrait chercher de l'aide ; cela arrivait parfois l'hiver, ils s'embarquaient sans un minimum d'équipement pour les routes enneigées, et les derniers contreforts du col leur étaient souvent fatals.... Il laissa volontairement la lumière allumée sur le perron, respectant ainsi la tradition d'accueil des temps passés. Le chasse-neige était passé, avec des grands saluts pour le réveillon. Pour eux, la perspective d'une nuit de boulot. La solitude se referma sur la maison et ses occupants...
Sur la route, l'effort devenait très dur : il ne sentait plus ses pattes gelées. Il fallait maintenant éviter les congères que le vent accumulait dans le creux des virages. Il aurait pourtant préféré rester à l'abri du talus de neige laissé par l'étrave du chasse-neige, mais la poudre était pire que tout : il enfonçait jusqu'au poitrail, chaque mètre parcouru l'obligeait à bondir, l'épuisant encore plus.
Une lumière, visible par intermittence dans les accalmies de la tempête, était son dernier espoir, c'était à coup sûr, signe de présence humaine. Peut-être qu'enfin la chance lui donnerait un abri pour la nuit, il se traîna encore un peu pour venir s'effondrer sous l'avancée : la neige y était déjà haute mais rien à côté de l'enfer qu'il venait de subir.....
Chatoune avait un comportement très bizarre, elle ne s'occupait plus du tout du poulet, et semblait vouloir sortir de toute urgence. D'ordinaire, avec le mauvais temps , elle restait bien pelotonnée au coin du poêle, et refusait obstinément de s'aventurer dehors. Là elle restait figée, miaulant plaintivement en fixant la porte de son regard bleu-vert.
" Tu veux sortir par ce temps de chien ? allons, tu vois bien qu'il neige ! "
Peine perdue, les miaulements disaient clairement sa détermination....
" Bon, puisque tu y tiens... Mais tu vas vouloir revenir aussitôt ! "
Il ouvrit la porte, et resta figé une seconde : " Mince alors, qu'est ce que... Je rêve ! ! ! "
La bête levait des yeux suppliants vers lui, un regard de fin du monde. Il se baissa, prudent : " Comment es-tu venu là ? Mais il comprit que tout commentaire était mal venu. Il y avait urgence. Il la saisit à pleins bras, et la porta devant la cheminée, puis sortit la vieille couverture d'Edrayoun, restée dans son coin en dernier refus de la mort, l'installa plus confortablement, et prit le temps de se remettre. Il lui donna une grande bolée d'eau, mais, trop épuisé, le chien n'avait plus la force de boire. Alors il osa une caresse, la main ouverte, paume en l'air en signe de paix, puis derrière l'oreille. Le chien ne réagissait plus, se laissant aller en tremblant convulsivement. A l'aide d'un coin de la couverture, il essuya le mieux possible la fourrure trempée, puis il le couvrit de sa veste fourrée, remit du bois pour alimenter un bon feu, et se servit un grand verre de vin en se grattant la tête, signe de grande réflexion chez lui....
Cette arrivée impromptue était si surprenante qu'il devait d'abord remettre un peu d'ordre dans sa tête : Evidemment, d'abord le soigner....
Il approcha la gamelle de Chatoune, emplie d'eau, du museau du chien. L'absence de réaction l'obligea à utiliser une pipette à vin, il laissa filer quelques gouttes dans les babines qu'il retroussa, la langue se mit à l'ouvrage suivie d'une déglutition, puis une autre. La bête entrouvrit un œil, puis souleva la tête en signe de demande, une ressucée fut absorbée plus aisément, puis il trouva la force de se relever pour laper avidement prés de la moitié de la gamelle.... -Ben, mon vieux, te déshydrater à ce point dans une telle tempête de neige ! faut le faire !
L'homme le regardait avec attendrissement, se ressaisissant : " Mais c'est pas tout, tu dois avoir aussi faim que soif ! ". Il flatta doucement la tête puis gratta derrière les oreilles, on va attaquer le réveillon plus tôt que prévu !
Il sortit la boule de pain, en tailla une grande tranche, qu'il couvrit généreusement de pâté de campagne, l'odeur se répandit, couvrant celle du poulet.... Le chien se mit à saliver, et s'approcha, manifestant son intérêt par les oreilles en éveil : Il goûta un morceau que lui tendait son hôte, et avala dés que la saveur fut identifiée. - Là, doucement, doucement, tu dois manger, mais modérément ! Il lui tendait des morceaux coupés très petits et le fit volontairement attendre entre chaque bouchée. Le regard de remerciement fut si expressif qu'il en fût remué jusqu'au fond du cœur.
" Tu en auras d'autres tout à l'heure, mais il faut d'abord aller boire et digérer... "
Durant tout ce temps, la chatte suivait d'un œil méfiant les opérations, l'intrus n'était visiblement pas son ami, mais, habituée aux chiens plus ou moins excentriques des amis bergers qui fréquentaient la maison, elle était de taille à se défendre.
Celui-ci ne semblait pas dangereux, surtout dans son état. Elle restait quand même sur ses gardes, mais un peu intriguée : cet inconnu n'était pas venu là par hasard. Il était clair qu'il avait fait une longue route. De quel pays lointain sortait-il ? Les yeux bleus traduisaient le rêve de la chatte ; ce n'était pas elle qui aurait quitté le foyer douillet pour courir les monts et chemins d'hiver. Elle s'étira langoureusement, puis décida de vérifier le caractère du nouveau venu. Elle s'approcha lentement, prête à faire marche arrière, ou à se défendre, les yeux rivés sur l'ennemi héréditaire. Pas de trace d'agressivité dans sa démarche ; il ne fallait pas donner de prétexte à une attaque. Le chien la regarda arriver, sans manifester d'inquiétude, puis il coucha le peu d'oreilles qu'on avait bien voulu lui laisser, en signe de paix. Chatoune approcha plus près encore, puis flaira le poil encore trempé pour stocker l'odeur en mémoire. Le chien s'était raidi, tout prêt à se défendre. Mais le félin se mit à ronronner et vint se lover dans le creux des pattes. Allons, c'était fait, pas besoin de traîner plus longtemps pour le classer dans les amis. La période d'observation durerait encore un peu pour mieux connaître l'autre, mais le premier pas était positif.
Le maître avait suivi le manège avec attention, prêt à intervenir. Puis il nota avec plaisir les signes de détente et s'occupa du repas. En ce soir de Noël, le menu n'était pas luxueux, mais il avait prévu plusieurs petites gourmandises : un peu de saumon pour Chatoune qui l'adorait, un bon vin déjà ouvert pour la circonstance et surtout, le poulet aux champignons et pommes de terre qui ferait le régal de tous.
Cela ramena les réflexions sur la surprise du jour. Comment comprendre la chose ? Un chien perdu ? Une fugue ? Un abandon ? Autant de questions sans réponse.
Première chose : l'animal avait-il des signes d'identité ? Il vérifia. Pas de collier. La race semblait être un berger mais dans cet état rien de certain. Il prit le téléphone et appela son ami Pascal à la gendarmerie de Colmars, lui raconta l'incident et promit de suivre son conseil : appeler le vétérinaire le plus proche pour vérifier si une disparition avait été signalée.
En attendant, il s'occuperait de réparer les dégâts.
Curieusement il avait besoin de connaître les origines du chien mais n'avait pas envie de trop approfondir. Il voulait savourer la joie de la compagnie inespérée qui lui était donnée en ce soir de Noël.
Il l'observa plus attentivement. Une vraie boule de poils gris, roux et presque blancs sur la partie postérieure. Curieux. Il n'avait pas de queue ! Il s'approcha, tâta la croupe ; un petit moignon vibrait sous la main : on lui avait coupé très court, bien trop court... et pourquoi ?
Il caressa longuement les oreilles et les trouva très courtes, elles aussi. Pourquoi avait-on mutilé ainsi la pauvre bête ? Bon, on verrait tout ça en bloc... Pour le moment, on allait se régaler.
Il mit un morceau de musique sur la vieille chaîne, puis sortit une vieille gamelle et la prépara pas loin de celle de la chatte. Le chien devint très attentif lorsque la volaille fut sortie du four. Le hors-d'œuvre improvisé était déjà loin. Il s'approcha, quémandant du regard. Mais un ordre le fit stopper : " Non, tu dois attendre que je te le donne ! "
Le festin avait pris une tournure très joyeuse. La maison semblait respirer le bonheur. La chatte ronronnait très fort. Et le poêle semblait lui aussi participer à la fête....
Une grande partie de la chair fut engloutie plutôt que dégustée par le chien. Maintenant sa fourrure était tout à fait sèche. Les épreuves passées avaient emmêlé le pelage, Un bon brossage était nécessaire. Quelques blessures étaient mal cicatrisées et les coussinets étaient presque à vif. Une heure de soin remit les choses à peu près en ordre. Le contemplant, il fut très satisfait du résultat :: " Tu as changé d'allure, c'est très bien, mais comment va-t-on t'appeler ? Voyons, tu as tout à fait l'air d'un ourson ébouriffé. Winnie t'ira très bien. "
Les yeux n'étaient plus seulement chargés de gratitude, des reflets d'or y passaient au gré des flammes, une adoration sans bornes se lisait dans les prunelles marron.
Trois jours étaient passés, Winnie s’était fondu dans le cercle familial comme si toute sa vie s’y était déroulée.... Les premières difficultés étaient venues de ses rapports avec Chatoune, elle avait clairement défini ses prérogatives, dés le départ, elle avait fixé son grade dans la hiérarchie familiale, c’était elle qui commandait après le maître ! Dur à avaler pour un chien qui, tout bon-enfant qu’il soit, n’avait jamais admis la race féline comme dominante sur les chiens....mais le côté bon-enfant avait prévalu, ou , plus astucieux encore, diplomatie suprême, il avait laissé la chatte marquer sa domination : elle avait le droit de manger la première dans le plat, elle pouvait le taquiner quand l’envie lui en prenait, comme s’il était simple souriceau, elle était assez fine , quand même , pour ne pas dépasser les limites susceptibles de réveiller les instincts d’autodéfense du chien : c’était arrivé un jour où les griffes acérées s’étaient plantées dans la couenne du chien, là, les dents avaient claqué très prés du museau de la chatte !
Bon bougre, il n’était pas dominant, il se contentait de suivre aveuglément son maître, il vivait dans le sillage de celui qu’il considérait comme son dieu, et peu à peu, comprenait mieux son rôle dans le nouveau cercle de sa vie ; Il devait veiller à prévenir de tout nouvel intrus qui viendrait à franchir les limites établies par le foyer : la maison, sa terrasse, et par extension, la route proche et le jardin enneigé, et, pourquoi pas ? Les limites du hameau !
Cela n’allait pas sans quelques problèmes, le jour où il se mit en tête d’empêcher Jojo, montagne Pyrénées de 90 kg, habitué à venir profiter, de temps à autres, de la gamelle familiale, de venir se servir ! La remise à niveau qu’il subit lui donna à réfléchir sur la relativité des droits élémentaires du chien de la maison .....
Il avait eu du mal à comprendre qu’un ordre du maître , çà ne se discute pas , çà s’exécute, et immédiatement, il avait été si longtemps livré à lui-même et habitué à assurer sa propre sécurité, ou à faire les actions qu’il jugeaient valables pour son intérêt, par adoration pour son dieu, il était prêt à faire tout ce qu’on lui ordonnait, couché, stop, ici, non, défendu, autant d’ordres qui n’avaient pas de signification réelle, mais il était plein de bonne volonté, il demandait à apprendre.
Doué d’une intelligence assez vive, il complétait son ignorance par de l’instinct, çà marchait, sauf si l’urgence de la situation venait mettre le trouble dans sa tête, il perdait alors tous ses moyens et se tétanisait de peur.
Physiquement, il était imbattable, c’était une vraie bombe, il se défoulait sitôt qu’il se sentait autorisé à foncer, et sa vitesse était hors de proportion avec sa taille, il se plaisait à montrer ce qu’il pouvait faire : même s’il fonçait, parfois trop, et se retrouvait en perdition. Un jour il avait traversé le parking sur le dos pour avoir oublié que la glace, çà glisse ! !
Puis vint le temps de la connaissance, jusque là, le chien et son maître s’étaient observés, l’homme essayait de cerner les qualités et les défauts profonds du chien : Là il y avait un stress probablement dû à un manque d’affection dans le milieu familial. Combien de gens décident un jour d’avoir un animal, comme on a envie d’un objet, c’est joli, c’est amusant, on croit parfois être protégé par un chien comme par le port d’une arme, on voudrait en faire un sosie d’homme. Les risques de perturber le chien sont généralement oubliés.... Puis, les joies d’avoir un animal font place à la lassitude des corvées entraînées, il faut le promener aux moments les plus difficiles, quand on serait si bien dans ses pantoufles ! il faut le shampouiner s’il est revenu sale, ou, pour peu que sa présence pose un problème lors d’un voyage, on a vite fait de s’en débarrasser à n’importe quel prix.
Winnie n’avait sans doute pas été abandonné au sens propre du mot, mais relégué dans son propre foyer, il n’avait pas trouvé son équilibre, et son éducation s’en était ressentie... Il était plein de qualités, sa race le portait à l’amour exclusif pour un maître, et il était aux aguets du moindre geste de celui-ci.
Il n’avait pas toujours la bonne interprétation, mais il compensait par une attention sans limites.
Le chien observait ainsi toutes les habitudes de son nouveau maître, il sut très vite repérer les moments importants de la vie : les repas, le sommeil, la promenade ; tout était annoncé par des signes, il était intelligent, et montra son désir de participer. Il savait que la mendicité pendant les repas était sévèrement défendue, alors il dressait le peu d’oreilles qui lui restaient pour manifester son intérêt ! Ou quand le rythme respiratoire changeait en fin de nuit, précédant l’éveil, il savait engager par ses mimiques à le faire sortir pour la première sortie du matin ! Il était devenu champion dans l’art de détecter un voyage en préparation! Alors il ne lâchait plus la voiture de l’oeil !
Le Maître avait trop tendance à comparer Winnie à celle qui l’avait précédé dans son cœur, comme Edrayoun était quasiment parfaite, bien sûr le pauvre Winnie tenait le mauvais bout de la corde ! Parfois les ordres devenaient très secs, le chien montrait alors sa soumission totale, Il était malheureux de la situation, mais à son maître, un bon chien pardonne tout....
Un jour pourtant, les choses changèrent :
Le chien était installé dans la voiture exceptionnellement à la place du passager, habituellement il était sur le siège arrière ; et son maître, jetant un coup d’œil machinal vers lui, le vit appuyé contre le dossier, le regardant, un amour infini au fond des yeux.... Le regard était exactement celui de sa pauvre chienne, elle passait des heures à le fixer ainsi, tout signifiait : Tu es Mon Maître, Mon Dieu, Mon Unique Amour....Il fut si saisi qu’il arrêta la voiture pour un câlin scellant l’amour entre eux.
Aujourd’hui, il y a quelque part, dans la montagne, un chien, un maître, et une chatoune, tous trois très heureux....Si vous passez par là bas, vous n’aurez pas de mal à les reconnaître : le chien gambade, le maître siffle, et la chatte ronronne.....
La Colle St Michel Mars 2003
Messages : 669
Le 03/10/2013 à 11h39
Bravo pour cette nouvelle. Je suis un peu comme vous, écrire un roman me semble insurmontable, alors je me contente de petits textes.
Bonne journée, Nina
Messages : 46
Le 03/10/2013 à 11h53
Oui, Ce Winnie là a été mon chien, un animal exceptionnel, bien que venu , par un cadeau inespéré, dans ma vie de solitaire. Il a été parfois le dernier recours contre la solitude!
Pour mon manque de ténacité sur mes romans jamais terminés, c'est surtout mon caractère de "papillon" qui est le responsable! mais , un jour peut-etre....J'arriverais au bout! lol!
Bien amicalement