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Pauline Panassenko, l’autrice, est convoquée au Tribunal de Bobigny. Elle veut récupérer le prénom que ses parents lui ont donné, Polina, et non celui que la République lui a octroyé lors de sa naturalisation, sans qu’elle en soit réellement consciente. Parce que la mention « autorisé à s’appeler Pauline » ne signifie pas au choix Pauline ou Polina. Et ça elle l’a découvert tardivement.
Pauline / Polina nous retrace avec beaucoup de fraîcheur, un peu d’ironie et un zeste d’humour son histoire.
Polina a grandi en URSS, dans ces appartements communautaires où tout manquait, où il fallait patienter dans des files interminables pour espérer avoir, en échange de « papiers carrés » et de roubles, de la farine, des œufs, du papier toilette …
La fin de l’empire soviétique sonne le départ de la famille pour la France, et avec lui, plus que la fin d’un certain « confort » (celui du cocon familial avec ses grands parents maternels), c’est le plongeon dans l’inconnu. Nouveau pays, nouvelle ville (Saint Étienne), des placards remplis, mais surtout une langue étrange.
C’est par son regard enfantin que l’autrice choisit de décrire cette arrivée. La plume est imagée et la langue prend toute son oralité. Le phonétique l’emporte et c’est drôle (puisque c’est de saison, la fameuse Raklète chez les voisins). Certains mots sont encore absents (« l’immense femme-adulte » pour dire maîtresse ou encore « l’enclos » pour décrire la cour d’école) tandis que d’autres se télescopent entre le français et le russe (Sava / hibou en russe) et surtout ceux que l’on dit en-dehors et ceux que l’on garde en-dedans « russe à l’intérieur, français à l’extérieur »
Elle grandit entre cette école française dont elle apprend la langue, les codes et dont on devine assez rapidement qu’elle la mènera à des brillantes études et la datcha russe durant les vacances estivales. Pauline / Polina, dont on découvre qu’elle n’est pas la première de la famille à avoir changé de prénom (à l’époque de sa mère, il fallait gommer tout signe de judéité), nous entraîne avec tendresse et pudeur à la découverte de son identité et d’une façon plus générale sur ce déracinement. Au gré de ses joies, de ses étonnements mais aussi de ses chagrins et dénonciations, le combat kafkaïen qu’elle mène pour récupérer son prénom nous donne ici l’occasion de découvrir une autrice pleine de verve et d’humour.
A découvrir assurément !
Le prénom
Si ce premier roman est signé Polina Panassenko, c'est que son autrice a réussi à faire changer son prénom. L'histoire de Paulina-Polina est un jeu de saute-culture entre la Russie et la France, à l'image des nombreux allers-retours effectués entre ces deux pays.
Le courrier a beau être rédigé en jargon administratif, il ne laisse aucun doute quant à la décision prise: l’administration refuse que Paulina retrouve son prénom d’origine, Polina, francisé lors de son arrivée sur le territoire français. Alors Paulina doit à nouveau se lancer dans le dédale administratif, les instances judiciaires et espérer qu’à la fois suivante, elle sera entendue.
Car l’histoire de Polina-Paulina mérite d’être entendue. Prenant sa plus belle plume, la jeune femme va tenter de la résumer à l’intention de la procureure :
« Je suis née à Moscou, en URSS. Mes parents m’ont appelée Polina. C’est le prénom de ma grand mère paternelle. Juive. Sa famille a fui les pogroms d’Ukraine et de Lituanie. Quand ma grand mère est née, ses parents l’ont appelée Pessah. Ça veut dire «le passage». C’est le jour de célébration de l’Exode.
À la naissance de mon père, ma grand mère a changé son prénom. Elle l’a russisé. Pour protéger ses enfants. Pour ne pas gâcher leur avenir. Pour leur donner une chance de vivre un peu plus libres dans un pays qui ne l’était pas. Sur l’acte de naissance de mon père, Pessah est devenue Polina.
En 1993, mes parents ont émigré en France avec ma sœur et moi. Quand j’ai obtenu la nationalité française, mon père a fait franciser mon prénom. Lui aussi voulait protéger. Faire pour sa fille ce que sa mère avait fait pour lui.
Ce que je veux moi, c’est porter le prénom que j’ai reçu à la naissance. Sans le cacher, sans le maquiller, sans le modifier. Sans en avoir peur. Faire en France ce que ma grand mère n’a pas pu faire en Union soviétique.
Je n’ai pas d’enfants mais je désire en avoir un jour. Sur l’acte de naissance, en face de «nom de la mère» je veux écrire «Polina».
C’est un héritage. Savoir que sa mère était libre de porter son prénom de naissance. C’est celui là que je veux transmettre, pas celui de la peur. Je veux croire qu’en France je suis libre de porter mon prénom de naissance.
Je veux prendre ce risque là.
Je m’appelle Polina. »
Pour le lecteur, Polina va détailler ce scénario, depuis ses jeunes années au lendemain de la chute du mur et de la fin de l’Union soviétique, au moment où elle vivait dans un appartement communautaire de Moscou. Bien que de taille modeste, il abritait les trois générations de la famille, ses grands-parents, ses parents, ainsi que sa sœur et elle. Dans ce moment de bascule, on a droit à quelques souvenirs marquants de la vie dans l’ex-URSS, comme cette visite à la vendeuse en bas de l’immeuble. «On doit lui dire ce qu’on veut en fonction de ce qu'il reste. Elle pèse tout sur une grande balance bleue avec une flèche qui oscille. Sur un plateau elle pose ce qu'on achète, sur l’autre elle met des cylindres, quand la flèche du cadran est au centre, elle s'arrête. Ensuite elle fait claquer les perles en bois sur les tiges du boulier et annonce un chiffre. Ma mère tend les papiers carrés qui donnent le droit d’acheter et ensuite les roubles. Sans les papiers carrés, les roubles ne servent à rien.»
Mais la grande affaire du moment, c’est le grand départ. Alors que les tanks occupent l’écran de TV, Polina prépare ses bagages pour rejoindre son père en France. Nous sommes en Octobre 1993. «On ne peut pas prendre tout ce qu’on veut, il faut choisir ce qu'on laisse et ce qu’on emporte. Ma mère passe en revue et sélectionne selon des critères qu’elle seule connaît. Moi je veux un chat en tissu jadis blanc devenu gris qui s’appelle Tobik. Lui et rien d'autre. Ma mère tranche. C’est non, il est trop gros. Si on a trop de bagages, on devra payer très cher.»
Arrive alors la partie la plus savoureuse, même si on imagine toute la difficulté, tous les efforts nécessaires à la jeune fille dans un monde si étranger. Polina est devenue Paulina et a rejoint Saint-Etienne. C’est dans le Forez qu’elle va apprendre le français, aidée notamment par la télévision et l’autre élève boudé par les autres, Philippe. Cette alliance du bègue et de la russe va faire des merveilles, tout comme le déchiffrage des publicités pour brioches ou encore les dialogues des Minikeums.
Polina Panassenko réussit à merveille à retracer ce parcours et à cacher derrière l’humour ses blessures d’enfance, sa peine à tenir l’injonction de s’intégrer et d’oublier le russe pour le français, la famille restée «là-bas» et les nouvelles relations qui se nouent «ici», dans ce pays qui ne veut pas lui rendre son passé.
Entre les rires et les larmes, Polina va écrire son premier roman dans une langue qu’elle maîtrise désormais au point d’en jouer. Et parvient à nous éblouir, à l’instar de Maria Larrea, l’autre primo-romancière de cette rentrée en quête de ses origines.
https://urlz.fr/krne
» Tenir sa langue », c’est l’histoire d’une petite fille, Polina, qui est née en Russie et a vécu dans un appartement communautaire à Moscou avec sa soeur aînée, ses parents et grands-parents.
Ses parents sont universitaires. Après l’effondrement de l’URSS, ils décident de venir s’installer en région parisienne. Le lien avec la Russie sera toutefois gardé car la famille retournera y passer tous les étés.
La petite Polina ne parle que le russe et ses débuts à l’école maternelle seront difficiles. L’administration française a francisé son prénom sur ses papiers. Polina est devenue Pauline.
Toute son enfance et adolescence, Polina-Pauline vivra à cheval entre deux langues, veillant à ce que l’usage de français 10 mois par an ne lui fasse pas perdre celui du russe.
C’est ce « combat » que raconte ce premier roman. Un combat qui deviendra juridique quand, devenue adulte, la jeune femme veut reprendre son prénom russe à la place de Pauline.
J’ai trouvé ce livre fort réussi. J’ai trouvé très intéressant que l’installation dans un autre pays soit abordé par le biais de la langue.
Un roman que je recommande vivement.
Un beau roman sur l’exil, sur les racines et la quête d’identité.
A la chute de l’URSS, Polina et sa famille viennent vivre à Saint-Etienne.
A compter de ce jour, Polina devra être russe à l’intérieur et française à l’extérieur.
Elle découvre ainsi la "materneltchik", "le Gaga" (language stéphanois), Auchan, la Muraille de Chine de Saint-Etienne, Centre 2 mais aussi les pubs, les dessins animés......
Plus tard, Polina devient officiellement Pauline et l’accent disparaît. Elle vit désormais à Paris où elle a fait ses études à Sciences Po et fait du théâtre. Un jour, en voulant refaire sa carte d’identité, elle veut inscrire Polina car le courrier du Premier Ministre Lionel Jospin stipulait « est autorisée à s’appeler Pauline » et ne mentionnait pas la fin de l’utilisation de Polina. A l’époque elle n’avait pas compris…..
Maintenant adulte, elle se bat pour retrouver le droit d’utiliser à nouveau son prénom de naissance…..
J’ai aimé ce beau roman sur l’exil et la façon dont l’auteur l’aborde. J’ai aimé naviguer entre la France et la Russie. J’ai été émue par les difficultés liées à l’exil, par les racines et par cette quête intérieure.
C’est un beau roman qui m'a particulièrement touché.....
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