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« La mémoire est une corde de bois d’allumage » est une clairière qui se dévoile feuillage après feuillage dans un souffle fabuleux. Laissez venir à vous le temps des allumettes. Effleurez du bout du doigt, ce texte d’amplitude. Il y a des mots qui surgissent travaillés à l’or fin, certitudes à élever subrepticement. Étreindre la première syllabe, la rencontre porteuse, la chance inouïe d’une lecture intense immensément émancipatrice. Écoutez, voici l’heure pleine, grave et certifiée. « Je sais déjà ne pas comprendre/ne me demande jamais qui je suis/ je n’en sortirais pas vivant. » « Feu de fausse joie/ à l’assemblée familiale/ la forêt brûle à ciel ouvert/et la fumée noire/ vise mes poumons. » Benoît Pinette délivre les mots encerclés d’une enfance, braises froides sur sa peau meurtrie. Doucement, l’advenir enclenche sa mutation. Phœnix, l’appel du large, vers le meilleur. « Tu pries/ sur la pointe des pieds/à même le sol/tu traces des professions de foi/ pour étreindre la douleur/ et délimiter l’emplacement/ de nos mirages/ immobiles. » « Et je marche l’enfance/ ce territoire colonisé. » L’étincelle s’élève, altière, crescendo d’une renaissance, pudique encore. Pressentir la déroute d’antan.
C’est dans cet espace que tout devient invincible. La transmutation, flamme touchant le palais du ciel. Là, ici, maintenant : « Comment étreindre/ ce qui brûle depuis toujours/ quand nous sommes tous constitués/ de tisons qui refusent de mourir. » « Mon avenir s’accomodera/ de sa descendance. » Ce texte est une migration. L’espérance gagnante des plus hauts sommets. Cordillères enflammées, rythme libérateur. Le renouveau : l’allumette parabolique. La force d’un élément crucial qui ne rate jamais sa cible. Ce livre est le midi, l’heure chaude du bâtisseur, de son macrocosme. Corde de bois craquante et sourde, entrechoc avec le feu. La force d’une trame qui change la couleur des apparences et de l’intime. Corde de bois, litanie, métaphore spéculative des mots qui brûlent les mains avant qu’insuffle l’envergure d’une renaissance. « Une seule branche à laquelle vous fier » « La beauté simple comme une seule branche à laquelle s’agripper. » Ce texte est une métamorphose révélée. La mémoire, un contre-feu devenu. « Se construire une cabane à la pointe de vos cils/ c’est s’assurer une vue panoramique / sur la trajectoire de l’enfance. » Saisir les brassées encore chaudes. Ne pas craindre l’amplitude d’une haute littérature ; il ne le sait pas. C’est l’humilité ici, qui est, force et altérité. Offrir au lecteur le passage entre les rives, corde de bois, enlacement et diapason. Choisir sa voie avec une allumette (flambeau symbolique), encre exutoire et complice. Maître de sa destinée, Benoît Pinette escalade la corde de bois. Ne pas craindre la chute. Elle s’ignore. « Je m’arrête / enfin/ une fleur atterrit sur la joue de l’accalmie. » Magistral. Publié par les majeures Éditions La Peuplade.
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