Un livre sur l’Evangile de Saint Marc… Mais qu’arrive t-il à l’auteur de Chaos calme, Fémina étranger en 2008 ? Certains diront que si son œuvre s’articule autour de la relation père-fils, il a trouvé là le sujet indépassable. Plus sérieusement, c’est un récit construit comme un roman à suspens qui s’ouvre avec ce Selon Saint Marc, dans la langue vivace, alerte, malicieusement intelligente de Sandro Veronesi.
En 1996, l’évêque de Rome décide une action missionnaire en faisant distribuer pour Noël un évangile à toutes les familles de son diocèse : 12 000 missionnaires, un million de textes. C’est l’Evangile de Marc qui est choisi. Pourquoi ? « Parce que l’Evangile de Marc est une formidable machine à conversion », explique Sandro Veronesi.
D’abord, c’est le premier évangile écrit dans la seconde moitié du 1er siècle qui déploie la charge radicale d’un personnage révolutionnaire, Jésus, raconté de façon elle aussi radicale. Sans fioriture et dans l’action. A l’époque, le public de Marc est romain, contrairement à celui de Matthieu, juif, ou Luc qui s’adresse aux convertis. Pas tout à fait la même façon de rouler un discours.
Chez Marc, le Verbe c’est l’action.
Alors on sabre des séquences : pas de sermon sur la montagne contrairement à Matthieu et Luc. On fait court sur la Résurrection, on garde le mystère autour de Jésus un peu plus longtemps : il faut bien garder l’attention de son auditoire. « Il y a des choses qu’on ne peut pas dire à un Romain à ce stade de l’histoire ». C’est trop tôt, ce n’est pas dans sa culture, on ne peut pas lui amener cette information de la sorte.
Pour Veronesi, Qui est Jésus ?
C’est Neo de Matrix ! L’auteur dit qu’ « il est impossible que les frères Wachowski n’aient pas lu l’Evangile de Marc : les prophéties, l’élection, le mystère sur la personnalité, les prodiges, la bande clandestine, la lutte contre le mal ». Veronesi s’appuie aussi sur Tarantino, le Batman de Nolan, et Dylan qui, pour Veronesi avait bien compris dans la chanson « Suzanne », que Jésus était avant tout un marin (preuves à l’appui dans le livre).
Que retenir de cette histoire qu’on connaît déjà ?
D’abord qu’une histoire, un discours ne sont jamais disjoints d’un contexte politique, d’une actualité et s’adressent toujours à un auditoire précis. En périodes électorales, il est toujours bon de s’en souvenir.
Et puis, plus subtilement, c’est aussi la question de la nature de l’œuvre littéraire qu’il pose. A quel moment l’histoire qu’on raconte fait-elle roman, quelles sont les matrices qui transfigurent le réel et ses relations avec le mythe ou la fiction. Mais on peut aussi bien et plus simplement lire Selon Saint Marc comme le décryptage passionnant d’un texte qui, avant d’être figé par l’image qu’on s’en fait, est un récit incroyablement vivant, humain, imparfait. Et, athée, agnostique ou croyant d’une autre chapelle, on y prend un plaisir formidable, 100% littéraire.
© Karine Papillaud
Selon Saint Marc, Sandro Veronesi, Traduit de l’italien par François Rosso (Grasset)
a découvrir sue jésus un thème intéressant pour moi j 'aime