Vous êtes de plus en plus nombreux à partager vos lectures sur ce site.
Nous mettons donc régulièrement en avant vos avis éclairés sur des romans de jeunes auteurs, de jeunes maisons d'édition ou moins connues.
Cette semaine, nous avons le plaisir de partager avec vous l'avis de Joëlle Guinard sur le livre Les chemins d'exil et de lumière de Céline Lapertot, publié aux éditions Viviane Hamy, qui donne envie de lire cet ouvrage...
L'avis de Joëlle Guinard sur le livre Les chemins d'exil et de lumière de Céline Lapertot
"C'est l'histoire de Karelle Dia, "congolaise à l'âme d'argile", née d'une mère congolaise et d'un père militaire ougandais, "deux sols qui ne s'aiment pas", contrainte à l'âge de huit ans de quitter avec sa mère Gisèle son pays en guerre. Gisèle part pour protéger sa fille, en France elles vivent les démarches sans fin à la préfecture en vue d'obtenir la nationalité française, le logement chez une amie avant d'obtenir une place dans un hôtel, puis des séjours d'hôtels en hôtels de plus en plus insalubres, la vie au milieu des blattes, des punaises de lit dans des conditions d'hygiène épouvantables.
Un parcours qui se poursuit dans un lieu collectif dépendant d'une association où toute intimité est exclue, la vie obligatoire entre "gens de la même tribu", jusqu'à l'OQTF, Obligation de Quitter le Territoire Français.
La découverte de l'éloquence ouvrira la voie de Karelle vers un avenir dans le théâtre où elle découvrira que certains rôles sont réservés aux blancs alors qu'elle voulait prétendre à tous les rôles oubliant la couleur de sa peau. Sur scène elle pourra déclamer "Je suis Karelle Dia au souffle aussi fort que la guerre de mon pays, je suis un roc, la scène est ma patrie."
Céline Lapertot se met dans la tête de Gisèle et de Karelle. Gisèle pour qui le plus important est de préserver sa dignité, de se fondre dans ce pays qui est devenu le sien et surtout de travailler, Karelle pour qui le respect de son corps est une priorité et qui ne veut pas laisser la pauvreté prendre possession de son corps. Céline Lapertot trouve les mots pour décrire de façon très réaliste les hôtels, leur crasse, les odeurs mais aussi les sentiments de Karelle qui oscillent entre rage, dégoût, humiliation et honte. Elle dénonce avec une colère à peine rentrée les conditions d'accueil des migrants en France, pays des Lumières, pays des droits de l'Homme et du Citoyen et met également en lumière une communauté forte et solidaire.
Karelle éprouve de la reconnaissance et un amour démesuré pour sa nouvelle Patrie. Brillante à l'école, elle choisit la lutte et "d'être absente à ce monde tant que ce monde durera". La découverte de l'éloquence, de l'art de bien parler, d'argumenter et sa participation à un concours d'éloquence à l'âge de quinze ans vont être le point de départ d'une vie au théâtre où elle pourra utiliser les mots comme une arme, dans un lieu où des femmes comme Phèdre l'aideront à atteindre la lumière.
Tout le roman est traversé par la dignité "gravée dans la chair", par la vitalité, la ténacité de Karelle, la lumière qui émane d'elle et l'amour qui continue à unir ses parents pendant des années malgré la séparation. Après des chapitres très durs sur les conditions d'accueil des migrants, Céline Lapertot nous offre de magnifiques passages sur l'éloquence et sur le théâtre.
En fin de récit, le roman prend une autre dimension lorsque nous découvrons que le personnage de Karelle est inspiré de Marlaine, une jeune fille que l'auteure a suivi dans son parcours, que les phrases en italique dans le roman sont extraites du discours "Prouver la supériorité de l'homme sur la femme" prononcé par Marlaine en demi-finale d'un concours d'éloquence en 2018. Marlaine, une jeune fille dont la ténacité et l'obstination forcent l'admiration, une jeune fille qui n'a de cesse de revendiquer le fait qu'elle est africaine. On se dit que Céline Lapertot a eu de la chance de rencontrer une telle personne qui elle-même a eu la chance de voir son histoire romancée par une telle auteure.
Un roman puissant sur le déracinement avec une héroïne très attachante. Un roman dans lequel Céline Lapertot montre à nouveau toute la dimension de son humanité et de son engagement."
Merci à Joëlle Guinard !
Pour retrouver d'autres avis sur ce livre, c'est ici : Les chemins d'exil et de lumière
Bon commentaire pour un livre qui souffle le froid (l'exil et "l'accueil") et le chaud: la dignité maintenue à tout prix et le don de la jeune fille qui lui permettra d'atteindre son but. Super d'avoir remarqué et soutenu ce don.
A rapprocher de La machine à coudre.
Une vie en dent de scie ,l exil ,la separation, une autre vie ailleurs , il faut en parler car c est un déchirement dans son cœur, dans sa vie ,qu on oubli jamais , des étapes difficiles à passer ,vraiment une histoire qui mal au cœur quand on pense à ses gens exiler de leur pays dur dur de tout recommencer
Meci pour cette avis sur cette histoire humaine et engagée comme vous l'écrivez ...