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L’éditeur qui était un roman

Le regard de Vladimir Dimitrijevic, exilé yougoslave et éditeur suisse.

L’éditeur qui était un roman

Béni soit l’exil ! Propos d’un éditeur engagé Entretiens avec Gérard Conio de Vladimir Dimitrijevic  (spécialiste des lettres slaves) aux Editions des Syrtes

 

Béni soit l’exil ! Une exclamation dans la forme d’un livre volumineux, qui raconte l’itinéraire d’un éditeur suisse qu’on ne connaît pas forcément. Est-il censé concerner d’autres lecteurs que ceux du 6e arrondissement de Paris, peut-il donner de grands moments d’enthousiasme littéraire à des lecteurs moins avertis ? Oui, on s’en porte garant. Suivez-nous.

 

Qui était ce Vladimir Dimitrijevic, auquel se consacre ce livre,Béni soit l’exil ! Propos d’un éditeur engagé Entretiens avec Gérard Conio (Editions des Syrtes) ? Un éditeur, certes, créateur des éditions de l’Age d’homme en 1966, mais aussi un footballeur professionnel qui faisait une brillante carrière en Yougoslavie avant de fuir à 20 ans, en 1944 vers la Suisse. Il a alors fallu  partir de zéro. Exit le foot, l’exil en fera un éditeur, mais un éditeur qui avouait à la fin de sa vie ne pas savoir donner une définition de son métier. A défaut, c’est un regard d’une effrayante justesse qu’il porte sur la littérature et les auteurs. Il aura tout compris, les aura tous compris.

 

La littérature doit beaucoup à celui qui considérait que chaque grand texte est un message, toute œuvre est « destinée », et c’est pourquoi « les grands classiques et les grands textes peuvent traverser des siècles ». C’est ainsi qu’il a publié les œuvres complètes de Jules Laforgue, de Pouchkine, le texte intégral d’Oblomov de Gontcharov, mais aussi Zinoviev, parmi les 4500 titres de sa maison d’édition qui fait la part belle aux littératures de l’Europe de l’Est. Dimitrijevic est un homme de son temps, sans illusion sur la marche du monde, « les grands principes servent à dissimuler de petites vérités personnelles, les arrivismes ». Doté d’une âme serbe revendiquée, croyant en Dieu autant qu’à la puissance de la littérature, il apparaît comme un grand chrétien pour qui le « lien spirituel avec tous les hommes est le ciment de notre identité personnelle ». Mais c’est aussi un Serbe tiraillé entre l’Orient et l’Occident. Il restera plus byzantin que romain, et, visionnaire, portera une analyse percutante sur le communisme, ses relations avec le christianisme et son échec, celui d’avoir convoqué l’adolescence des peuples quand le capitalisme qui touche à l’enfance, a rassemblé tout le monde sous sa bannière. Difficile et déjà erroné de résumer ainsi une réflexion plus vaste et généreuse, qui se déploie sur tout un texte.

 

Mais pourquoi, toi, lecteur, lirais-tu ce texte massif ?

Lire ce long entretien avec Dimitrijevic, c’est comprendre pourquoi l’on aime la littérature, pourquoi on lit certains auteurs et pas d’autres. Et forcément c’est agréable d’en savoir un peu plus sur cet homme, cet éditeur hors norme qui comprend si bien le lecteur. « Ce qu’il importe de savoir avant tout sur la littérature, c’est qu’elle n’est pas de l’information. La littérature n’informe pas, elle vit. Comment ? Chez les grands écrivains, il est impossible de savoir pourquoi on porte de l’intérêt à ce qu’ils écrivent.  Si on regarde à la loupe, comme on le fait aujourd’hui, un livre qui n’est pas bon est plus intéressant qu’un livre qui est bon. Pourquoi ? Parce que le livre qui est bon rentre directement en toi, il rentre comme une grande scène intérieure », explique-t-il à Gérard Conio, grand spécialiste des lettres slaves et ami de longue date qui lui donne la réplique dans ce texte.

 

Béni soit l’exil n’est pas le récit d’un parcours, celui-là il l’a raconté en 1986 dans Personne déplacée, autre livre d’entretiens, mené cette fois-ci avec Jean-Louis Kuffer. Ce nouveau texte est plutôt le regard d’un homme à travers les pérégrinations d’une vie, sur un long morceau d’histoire de l’Europe, les mouvements géostratégiques et leurs retentissements sur la vie culturelle, ses mutations et ses leurres dans une époque où « la culture n’est plus acquise mais déversée ». Autant dire qu’il n’y a rien que d’essentiel dans ce livre.

 

Karine Papillaud

 

 

Vous pouvez également retrouver l’émission de Patrick Poivre d’Arvor Vive les Livres, dans laquelle Karine Papillaud parle de ce roman.

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Commentaires (1)

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