Le Club des Explorateurs permet chaque semaine à deux lecteurs de lire en avant-première un même titre que nous avons sélectionné pour eux et de confronter ainsi leur point de vue.
Cette semaine, nos deux Explorateurs ont lu Nous traverserons ensemble de Denis Lemasson (Plon)
L’avis de Julie :
J'ai été convaincue par ce livre à la fois fluide et très riche, dont j'ai dévoré les 400 pages en deux jours !
L'originalité de ce livre tient d'abord à l'histoire qu'il développe. L'auteur lève le voile sur le thème encore peu abordé de l'invisibilité des migrants au sein des pays européens, et de leur anonymisation parfois même jusque dans la mort. Le livre apporte également un éclairage, certes assez bref mais très intéressant, sur la complexe situation politique et sociale en Afghanistan.
Par l'intermédiaire de la question innocente d'un enfant c'est le comportement de toute une société qui est mis en question et toute une fresque de la situation des réfugiés politiques qui se dessine.
En matière de style, l'auteur nous propose un habile mélange d'enquête criminelle, de biographie, d'autobiographie et de roman à trame historique. J'ai beaucoup aimé l'entremêlement de ces divers styles, permettant à la fois de contenter un nombre de lecteurs et de rendre la lecture particulièrement fluide.
Cette fluidité est renforcée par les alternances entre temps présent et temps passés, les alternances des voix exposant les destins croisés des nombreux personnages.
Quelques bémols cependant : Un recours au style épistolaire efficace et très intéressant mais introduit de façon tardive dans la narration ; et une fin quelque peu précipitée : le dénouement de l'"énigme" est amené en quelques pages et j'aurais aimé voir cette histoire.
Bilan : J’ai adoré et aurait aimé que cela dure plus longtemps !
L’avis de Céline :
J’ai beaucoup aimé ce livre que j’ai lu presque d’une traite, tellement il était difficile de le poser. La combinaison d’un style d’écriture très fluide et efficace et d’une histoire intéressante est presque toujours synonyme de succès pour moi.
Ce roman, bien que décrivant la situation des migrants afghans arrivant en Europe, leur périple et leur accueil ou non-accueil dans ce qu’ils pensent être un pays de cocagne où tout est réalisable, pourrait décrire l’histoire de tous ceux ayant à quitter un pays en guerre, en quête de sécurité et d’un meilleur futur.
Les différents points de vue rendent ce récit dynamique et le changement de ton nous tient en haleine tout au long des 350/400 pages. C’est toutefois un bien sombre paysage que nous peint cet ancien médecin qui a pourtant vécu des situations probablement bien plus difficiles au cours de sa carrière. Le désespoir et la résignation dans lesquels les protagonistes finissent par plonger sont d’autant plus difficile à affronter et accepter que les migrants dont nous suivons le parcours débutent leur périple avec toute la candeur et l’espoir de la jeunesse.
Ce roman nous permet en parallèle d’en apprendre plus sur la situation politique en Afghanistan et sur celle des réfugiés à leur arrivée en Europe, sans toutefois tomber dans l’essai politico-philosophique. Les différentes facettes du récit, entre enquête criminelle et roman d’actualités, le rend très accessible à tout un chacun qui y trouvera son compte (et son conte), tout en nous aidant à ouvrir les yeux sur une situation qui ne devrait être. Une fois commencé, on termine ce roman en deux temps trois mouvements, et les 400 pages donnent l’impression de n’avoir été qu’un seul chapitre.
La fin fut presque trop abrupte toutefois et le dénouement trop rapide. Le fait de n’avoir que peu d’informations sur ce qui attend les personnages auxquels on finit par s’attacher un peu frustrant. Cependant, le livre vaut certainement la peine d’être lu en dépit de cela.