Vous avez plébiscité les romans de la rentrée littéraire de septembre 2022 et nous vous avons proposé d'en remporter des exemplaires.
Les avis ont été publiés et aujourd'hui, nous avons le plaisir de partager avec vous la chronique de Chantal Lafon qui donne très envie de découvrir cet ouvrage...
L'avis de Chantal Lafon sur le livre Ada et Graff, de Dany Héricourt (éditions Liana Lévi)
"Pouvoir encore te parler, pouvoir encore t'embrasser, te le dire et le chanter, oui c'est beau, c'est beau la vie
Dany Héricourt nous offre un plaisir littéraire exceptionnel, en posant un regard subtil sur Ada et Graff, septuagénaires qui n’ont pas dit leur dernier mot à la vie, au désir.
Une autre invité dans ce duo, la rumeur.
Deux êtres qui ont un parcours qui aurait dû les éloigner l’un de l’autre. La première veuve de l’édile du lieu, bien installée, si le poids des ans ne se fait pas trop ressentir, le mental est en berne. Une épine dans sa vie : sa fille. Becca est partie, depuis des années, vivre dans une communauté et elle refuse de parler à sa mère même lorsqu’elles se rencontrent sur le marché. Becca est l’enfant venu très tardivement et est donc l’enfant unique.
Ada a un rituel pour se raccrocher à la vie, nager chaque jour dans la rivière qui coule au pied de sa propriété. Au fil de l’eau, au fil de la vie.
Le fil, Graff connait, il fut funambule mais l’âge venant il est resté dans sa communauté de gens du voyage en rendant divers services. Mais une mauvaise chute le laisse sur place quand les autres reprennent la route, il reste dans sa roulotte avec pour seule compagnie sa jument.
L’exil et l’exclusion ont été des compagnes. Cela lui a donné une certaine philosophie qui ne manque pas d’humour. Sur le passage d’Ada, le qu’en-dira-t-on est de mise, elle passe pour une originale, nantie, dont la fille a préféré vivre avec des « fous », c’est dire si elle est à fuir. Le gitan dérange, il occupe un terrain appartenant à Ada et on aimerait bien qu’elle mette fin à ça.
Le lecteur comprend vite que ces deux-là sont faits pour s’entendre. Ils doivent s’apprivoiser et trouver les mots. Chacun à sa façon se félicite d’avoir franchi une journée de plus. Alors s’ils sont un peu ours, ce n’est pas sans raison, chacun a une histoire chargée et ils ont dû se construire avec, c’est leur force et leur fragilité. Trouver le juste équilibre sur le fil de la vie.
« La civilisation est un concept nébuleux et fluctuant, rumine-t-il en boitant en direction du bois. Sa propre définition tendrait du côté de la faculté laissée à chacun de vivre sa vie à sa façon. Ça devrait être ça, la civilisation. Une grande bouffée de liberté. »
Dany Héricourt impulse un rythme à son histoire qui fait que le lecteur prend son temps, il n’a nullement envie de quitter ces deux originaux.
La notion du temps est là ; le temps que l’on appréhende différemment l’âge venant. Il n’y a que la rumeur qui court, car elle n’a pas le temps de s’arrêter pour l’observation et la réflexion.
Si Ada vacille et Graff boite, l’équilibre, ils le construiront ensemble. Et cette construction devient visible pour le lecteur par la grâce des mots et des émotions qui se dégagent de ce roman. Deux êtres que le lecteur ne veut pas quitter. A l’automne d’une vie le désir est légitime et source d’équilibre, ne pas se fier aux apparences, ce qui est différent reste une richesse. Un roman qui embellit la littérature car, il parle de la vie avec sens et profondeur avec la beauté du regard qui s’attarde sur les êtres et la nature. Le maître-mot serait : la quête, ne jamais abandonner. C’est fort, inattendu et tellement riche de conscience instinctive.
Merci à Lecteurs.com pour ce privilège de lecture."
Merci à Chantal Lafon !
Descriptif émouvant, à découvrir comment il s en sort de cette vie solitaire
Bonsoir, merci pour cet avis il est beaucoup de questions d'équilibre et de force et cela me plaît !