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Robert Johnson, le pionnier du blues qui aurait vendu son âme au diable pour savoir jouer de la guitare, premier du Club des 27, s'adresse dans cette lettre intense aux négriers, à ceux qui ont érigé la dominance des blancs sur les noirs, aux racistes de tout poil.
Le texte de Sylvie-E Saliceti est puissant, poétique, rempli parfois de références, de noms de la mythologie ou autres, que je ne connais pas ou très peu, mais ça ne m'a pas empêché de le ressentir au plus profond. J'en ai eu des frissons, parfois des palpitations, un peu comme quand un énervement ou une colère monte. Elle parle de négritude, de l'esclavage, de la condition des noirs : "Le nègre parle de liberté, comme l'homme du désert parle de l'eau, mû par quel mirage ? Il cherche le fleuve, là où ne scintillent que les marais dans le couchant. Je me demande si la condition d'esclave, comme la poussière, colle pour toujours à la semelle de nos chaussures ?" (p.13)
Elle parle aussi de repentance, doit-on des siècles après toujours porter le poids des actes de nos aïeux ? J'habite Nantes, port-négrier s'il en est, dois-je m'auto-flageller parce que les armateurs de la ville se sont enrichis grâce au commerce des esclaves ? Que la ville n'oublie pas son histoire, qu'elle y fasse face, c'est nécessaire. Mon rôle à moi, c'est d'accueillir et de me comporter avec tous les gens quelle que soit leur couleur, de la même manière. Et en plus, je ne suis pas raciste, j'aime manger éthiopien, coréen, japonais, créole... j'aime le couscous et le tajine et tellement d'autres plats d'origines diverses... (avis aux grincheux, c'est évidemment une plaisanterie, pas que j'aime les plats sus-nommés, mais qu'on puisse les associer au racisme, même si certains politiques ne s'en privent pas : "Je ne suis pas raciste, ma meilleure amie est tchadienne" dixit Nadine Morano, ou encore celui qui exhibe une photo de sa femme noire...)
Sans doute, pour paraphraser Eric Pessan dans une autre Lettre ouverte..., ce texte ne sera-t'il lu que par des gens qui pensent comme l'autrice. Dommage pour tous ceux qui ne l'ouvriront pas, ils passent à côté d'une écriture superbe, d'une force et d'une poésie présentes de bout en bout et du blues de Robert Johnson qui accompagne le tout. Et si certains, dont moi, sont mal-à-l'aise voire choqués par le mot nègre, voici un dernier extrait : "Nègre : je ne supprime pas le terme. Ce mot en créole désigne un homme, et vous voulez le décapiter ? Ce mot m'appartient. Je me l'arroge. Ce mot, il nous faut le reprendre. Il est le nôtre. Il est le vôtre. Il est né mille fois. [...] La négritude est cet envol de milliers d'oiseaux au-dessus du lac Tanganyika ou du lac Ontario -une liberté de poètes aux ailes damassées qui tissent le linge au long temps de la langue..." (p.11)
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