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La trilogie psychiatrique

  • Ce roman est un véritable tour de force. Préparez-vous à plonger dans un univers unique.
    Une trilogie abyssale… trois romans, des nouvelles en bonus qui éclairent les personnages, les liens qu’ils entretiennent et complètent merveilleusement bien ce texte d’une beauté rare, malgré le sujet difficile, traité délicatement, en finesse, celui de la folie. La folie sous toutes ses facettes, en fil conducteur : la folie des schizophrènes, mais aussi celle, moins extrême (parfois) mais tout aussi dangereuse, de tous les jours, celle des enfants délaissés, des familles dysfonctionnelles, des attentats, de la montée des extrémismes, des non-choix environnementaux, de l’abandon, du manque d’amour, de la détresse extrême… Cet ouvrage, à l’écriture ciselée, vraie et poétique, exprime avant tout la déshumanisation et la détresse des patients comme celle des soignants et nous montre à quel point la différence entre les uns et les autres peut, éventuellement, être limitée, et qu’ainsi l’on peut se retrouver de l’autre côté du miroir, à force de frustrations et de solitude, ce mal parmi les maux.

    Trois livres en un, trois livres qui s’interpénètrent, s’imbriquent et s’éclairent, tour à tour, dans une alternance de points de vue, de coups de projecteurs, passionnante, qui nous fait voyager (au secours) au plus profond de la noirceur de l’âme humaine. Une étude du Mal sous toutes ses formes et surtout de ses causes, de sa naissance. Un cri. Puissant. Celui de ceux qui n’ont pas voix au chapitre, les délaissés, laissés pour compte, les enfermés…
    Les personnages, réalistes et crédibles, nous touchent et nous interpellent. Tous ou presque sont rongés par un passé qui les annihile, indéniablement, ou par une culpabilité qui ronge et fait passer de l’autre côté du miroir tels des Alice modernes. Des vies gâchées…

    Un ouvrage parsemé d’art sous toutes ses formes : illustré par les superbes et effrayantes peintures de Laurent Fièvre, par la musique, omniprésente, entêtante, noire, engendrant comportements atypiques et questionnements. Un tout au service de la dénonciation. Des extraits de penseurs et auteurs servent admirablement le texte. Métaphores, allitérations, personnifications, références christiques... Un style parfois sombre, direct, froid, à l’aune du sujet traité, implacable, cru. Une œuvre en symétrie, un ballet surréaliste sur la différence et la difficulté d’exister face au mépris, à la solitude, à l’ingratitude, l’incompréhension, l’impuissance, la misère, face aux manques de toutes sortes.
    « Mais du sens, Régis en prospectait, en incubait, en trouvait dans les mots, parfois. »

    Un épilogue sous forme de mise en abyme avec des extraits de l’un des livres de la trilogie, un clin d’œil à Brian Merrant.

    Un ouvrage que j’ai lu en même temps que je relisais Death of a salesman d’Arthur Miller que j’enseigne en ce moment en terminale. Des allers-retours entre ces deux textes sur la folie, deux textes qui s’éclairent tour à tour ! Des textes sur la réalité et l’illusion, sur l’illusion de la stabilité, sur « la vie en morceaux ». Deux textes dans lesquels l’hubris des personnages, Willy Loman dans Death of a salesman, celle de la plupart des personnages de la trilogie (en particulier l’Anar et Léonard) cause leur perte et leur aliénation.

    Une trilogie magistrale, qui n’a rien de manichéen, qui vous fera réfléchir sur toutes les questions de notre époque, qui vous emportera dans vos retranchements les plus intimes, qui vous touchera comme peu de livres l’ont fait et qui vous laissera seul, finalement KO.
    Une ode (étrangement) à la liberté, à l’absurdité, à l’Humanité, dans un monde particulièrement violent. Un ouvrage qui ne tombe jamais dans le pathos avec un savant dosage de réalisme et de violence sur autrui et sur soi-même. Un engrenage, un sens du destin, un livre, en conclusion, implacable !

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