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Calpurnia Tome 1

  • De tous mes centres d’intérêt enfantins, ma passion dévorante pour l’astronomie était sans le moindre doute la mieux acceptée par mon entourage. Après tout, c’est bien connu, les « petits génies » sont tous fascinés par l’espace et ses mystères : dans mon étrangeté, je faisais enfin une chose « comme les autres » (quand bien même « les autres » en question étaient tout aussi bizarres que moi). Toujours cette écrasante exigence de la normalité, même dans la différence ! Mais auraient-ils été si tolérants s’ils savaient que si je scrutais avec tant d’attention le ciel, c’était seulement pour retrouver « ma planète » ? Je me sentais tellement en décalage avec les autres habitants de la Terre que la seule explication concevable (parce qu’elle me laissait une porte de sortie), c’était que je venais d’ailleurs : un jour ou l’autre, pensais-je alors, je trouverai bien un moyen de rentrer « chez moi », où je serai entourée d’êtres comme moi, qui me comprendraient et que je comprendrais, où je n’aurai pas besoin de faire semblant pour me fondre à peu près dans la masse et où, peut-être, je gouterai enfin le Bonheur … L’implacable raison a fini par briser cette douce et naïve espérance, et il a bien fallu se résoudre à survivre tant bien que mal dans ce monde qui me correspond si peu. Heureusement, les livres sont là pour apporter un peu de joie … et, parfois, j’y fais la « connaissance » de personnages un peu comme moi. Et même s’ils ne sont fait que d’encre et de papier, ça fait malgré tout chaud au cœur de savoir qu’on n’est pas totalement seuls ….

    Lorsque son frère le plus âgé (qui est également son frère préféré) lui offre un magnifique carnet en cuir, Calpurnia Tate, « onze-ans-trois-quart-quasiment-douze », sait immédiatement ce qu’elle veut en faire : y inscrire toutes ses observations scientifiques, sans oublier ses innombrables questions. Pourquoi y a-t-il des petites sauterelles vertes et des grandes sauterelles jaunes ? Pourquoi y a-t-il tant de cardinaux autour de la maison cette année alors qu’ils n’y trouvent pas assez de nourriture ? Comment l’opossum connait-il l’heure ? A quoi sert une bibliothèque si on n’y trouve pas de livres ? Enivrée par toutes ces interrogations, avide de comprendre le monde qui l’entoure, la jeune fille se tourne vers l’unique membre de sa famille capable d’y répondre : son grand-père, naturaliste à ses heures perdues – lorsqu’il n’est pas enfermé dans son laboratoire pour tenter de produire un alcool à base de noix de pécan. Tandis que son aïeul lui enseigne les voies de la Méthode Scientifique, de la théorie darwiniste de l’Evolution (en dépit des polémiques) ou encore du système de Linné pour nommer une nouvelle espèce, Calpurnia entrevoit un avenir des plus attrayants : elle ira à l’université et suivra les traces de Mme Curie, de Mrs. Maxwell, de Miss Anning. Mais sa vocation de savante se heurte aux ambitions de sa mère, qui veut faire de son unique petite fille une grande dame de la haute société, bien comme il faut : cuisine, broderie et leçons de savoir-vivre, voilà ce qu’elle doit apprendre, et non pas les inepties de son marginal de grand-père !

    Il ne faut jamais se fier aux apparences : elles sont souvent bien trompeuses. Avouons-le, la couverture, d’un jaune criard manquant sérieusement de bon goût, n’est pas particulièrement engageante … Et pourtant, le récit qui s’y cache est vraiment excellent : tendre, drôle et pétillant, il sent bon l’été et l’enfance ! Curieuse et espiègle, notre jeune et attendrissante héroïne et narratrice, Calpurnia, nous replonge dans cette douce et lointaine époque où il suffisait d’un rien pour nous émerveiller, nous ébahir, nous intriguer, et où tout nous semblait encore possible, y compris et surtout les rêves les plus fous. C’était l’époque bénie de l’enfance encore éternelle, de son innocence et de son insouciance encore intactes : rien ne semblait pouvoir briser ce perpétuel ravissement qui est celui de l’enfance, ce sempiternel étonnement face à toutes les expériences qui s’offraient à nous. Plus de cent ans nous séparent, et pourtant Calpurnia se fait le portrait craché de cette enfance envolée : à travers elle, c’est l’enfant que nous étions qui s’ébat joyeusement dans les hautes herbes, qui se jette avidement dans l’eau bien fraiche de la rivière, qui savoure avec des étoiles dans les yeux un bon verre de boisson qui pétille. Toute une ribambelle de petits plaisirs, de petits bonheurs que l’on égrenait sans même s’en rendre compte, sans imaginer un seul instant qu’un jour viendra où nous ne serons plus capables de les savourer … Il faudrait conseiller aux enfants de savourer chacun de ces petits instants comme si c’était le dernier, pour mieux les ancrer dans notre mémoire : se constituer une réserve de petits souvenirs pour plus tard …

    Car arrive le jour où, sans crier gare, notre enfance nous échappe, irrémédiablement, pour ne plus jamais revenir. La veille encore, tout était encore comme avant, comme toujours. Comment pourrait-il en être autrement ? Mais voilà que soudainement, rien n’est plus comme avant, comme toujours. Tout est sens dessus-dessous, comme si le monde s’était soudainement mis à marcher sur la tête. Et on a beau essayer de toutes ses forces de lutter contre le courant, impossible de revenir en arrière. On ne retrouve jamais l’innocence, l’insouciance, la candeur de notre enfance : elles sont définitivement perdues, fuyant devant la dureté de la vie, devant la terrible réalité qui s’impose à nous. On ne fait pas ce qu’on veut. On ne fait pas ce qu’on rêve. Il faut faire ce qu’on attend de nous. Rentrer dans le moule façonné par la société où nous vivons. Surtout ne pas faire de vagues, ne pas s’écarter des chemins battus. Suivre sagement le mouvement, comme un gentil petit mouton bien élevé. L’espace d’un instant, bercé par les babillements émerveillés de cette petite fille qui ressemble tant à l’enfant que nous étions, nous avons voulu croire que Calpurnia pourrait réaliser tous ses rêves, qu’elle n’aura pas à subir cette tragique et douloureuse désillusion qui sonne la fin de l’enfance. L’espace d’un instant, aveuglé par cette douce quiétude d’une enfance presque retrouvée, nous nous laissons aller à une enfantine naïveté : peut-être que Calpurnia n’aura pas besoin de dire adieu, une bonne fois pour toutes, à son enfance ? Peut-être aura-t-elle plus de chance que nous autres ?

    Mais il n’en est rien, et voici que l’étau se resserre autour de notre petite Calpurnia : de la même manière que les spécimens qu’elle attrape dans son filet n’ont aucune chance d’échapper au bocal qu’elle leur destine, notre pauvre petite scientifique en herbe ne peut échapper à l’avenir qui a été tissé autour d’elle à son insu. Calpurnia a l’immense malchance d’être l’unique fille d’une fratrie de sept : c’est donc sur elle et sur elle seule que se concentrent tous les espoirs et toutes les ambitions de sa mère. Et par la même occasion, toutes ses déceptions, face aux broderies immondes, aux gâteaux immangeables, aux manques de savoir-vivre de cette petite sauvageonne qui n’a rien, absolument rien, de la jeune fille de bonne famille qu’elle est supposée devenir. Si encore elle s’intéressait à la musique et à la littérature, et non pas aux sauterelles et aux plantes mutantes ! Jusqu’alors inconscience de causer tant d’inquiétudes et de déconvenues à ses parents, Calpurnia se rend progressivement compte que ses projets et les leurs diffèrent du tout au tout … Son frère préféré lui-même semble perplexe, pour ne pas dire franchement réprobateur, quand elle lui fait part de son désir de devenir scientifique. Pire encore, son grand-père, son mentor, ne parait pas aussi enthousiaste qu’elle, faisant preuve d’une réserve qu’elle ne lui connaissait pas ! Petit à petit, tandis que s’effiloche son enfance, Calpurnia doit se rendre à l’évidence : elle aura beau résister, se rebeller, s’indigner, elle devra bien apprendre à repriser les chaussettes et réussir ses rôtis de dindonneau … Pauvre, pauvre Calpurnia !

    En bref, je pense que vous l’aurez bien compris : je pourrais vous parler de ce roman pendant encore des heures et des heures, ce qui ne laisser planer aucun doute, c’est un véritable, un fabuleux, un magnifique coup de cœur ! Je vais donc me contenter d’aller à l’essentiel : ne vous laissez pas arrêter par la couverture (qui pique un peu les yeux, je vous l’accorde bien volontiers), et n’hésitez pas une seule seconde à vous plonger dans ce roman émouvant et rafraichissant, tout empli de poésie et de nostalgie ! Laissez-vous entrainer par les aventures et mésaventures (surtout culinaires) de la jeune Calpurnia, laisser-vous attendrir par cette petite héroïne au grand cœur qui n’hésitera pas à se dresser contre ses parents pour préserver le petit cœur fragile de son petit frère amoureux des animaux, qui n’hésitera pas non plus à errer dans la nuit pour rattraper l’erreur qui pourrait empêcher son grand-père de réaliser son plus grand rêve ! Véritable condensé de douceur et de petits bonheurs propres à l’enfance et aux grandes vacances, ce récit vraiment pas comme les autres nous invite à renouer l’espace d’un instant avec l’enfant que nous avions été, celui que l’on pensait ne plus jamais revoir, enfoui qu’il était sous tous les tracas et les responsabilités de notre vie d’adulte. Grâce à la pétillante Calpurnia, nous réapprenons à nous émerveiller et nous étonner de tout ce qui nous entoure, à croquer la vie à pleine dent et également à savourer tous les instants que nous pouvons passer avec ceux que nous aimons … Une chose est sûre : j’ai vraiment hâte de me procurer et de dévorer le second opus !

    https://lesmotsetaientlivres.blogspot.com/2022/05/calpurnia-tome-1-jacqueline-kelly.html

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  • J'ai retrouvé dans Calpurnia la même fraîcheur que dans Anne et la maison aux pignons verts de Lucy Maud Montgomery, classique de la littérature jeunesse au Canada.
    Les mêmes destins de jeunes filles qui rivalisent d'humour et d'intelligence face à une société patriarcale, cette société que l'on sent vaciller...
    C'est un roman qui parle de fin de siècle mais sa portée est universelle, intergénérationnelle, une ode à la nature et aux sciences.

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  • Livre estampillé « ados » , je l’avais sélectionné pour ma fille…Mais, ayant à peine feuilleté les premières pages, je me suis laissée prendre : la magie a opéré et c’est avec beaucoup de plaisir que j’ai découvert cette histoire.
    Calpurnia est une jeune fille de 11 ans, seule fille au milieu de six frères, au Texas, en 1899. Elle fait partie d’une famille aisée, propriétaire de champs de coton et d’une usine. Sa mère souhaite en faire une vraie jeune fille rompue aux tâches ménagères, à la cuisine et à la couture. Mais Calpurnia tisse une relation privilégiée avec son grand-père paternel qui l’initie à la démarche scientifique et à l’observation de la nature qui l’entoure. Elle, féministe avant l’heure, ne comprend pas pourquoi on ne lui réserve pas le même traitement qu’à ses frères, pourquoi une jeune fille ne pourrait pas s’intéresser aux sciences et techniques. Avec la complicité bienveillante de son grand-père, elle s’interroge sur tout ce qui l’entoure, sur son avenir…

    J’ai aimé la narration, et particulièrement les têtes de chapitres à connotation scientifique. Le mélange entre histoire familiale, découverte de la société américaine de l’époque et réflexions scientifiques, la fraîcheur du personnage de Calpurnia, sa naïveté associée à sa modernité m’ont vraiment fait passer un très agréable moment de lecture !

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  • Un roman avec un parcours initiatique. Avec pour thèmes, l’apprentissage, la transmission, le passage.
    Passage d’un siècle à l’autre. Passage d’un âge à un autre. Passage d’un monde étriqué à la modernité. Passage de l’enfance à l’adolescence, avec une perte de la naïveté. Mais à chaque fois qu’on gagne « quelque chose », ne perd-on pas « quelque chose » ?
    Apprentissage de la science, de la nature, de la vie. De la patience, de la peur, de la mort également.
    Transmission d’un savoir, d’une expérience, d’un passé. L’évocation de la Guerre de Sécession par le grand-père est d’ailleurs le meilleur exemple de cette transmission. Il parle des combats par le biais de l’anecdote, de la situation cocasse, du gag, mais également avec beaucoup de sincérité et d’émotion.
    La richesse de ce texte au style, en fin de compte, assez accessible, se trouve dans la variété des situations vécues tout au long de cette chronique de l’année 1899, pour la petite Calpurnia, dans son Texas profond. Elle est en rupture avec ce que la famille (la société) veut lui imposer. Entre les leçons d’aquarelle, de broderie, de piano et de cuisine, jamais, elle ne se départ de sa qualité essentielle : la curiosité. Elle pressent que le Monde est bien plus grand que la propriété familiale et fait ainsi à la fin du livre une série de vœux (presqu’un credo) plutôt qu’une liste de bonnes résolutions. Et d’ailleurs, la Nature ne l’exauce-t-elle pas en partie, la confortant dans son désir de découvrir les vastes immensités encore inexplorées ?
    Je pense que cet ouvrage est excellent pour des adolescents indécis quant à leurs choix de vie. Calpurnia sait ce qu’elle désire et se plie de mauvaise grâce aux exigences maternelles (le père est presque toujours absent et est souvent remplacé auprès d’elle par le grand-père). Cette histoire montre également le chemin parcouru par les femmes pour accéder à l’éducation, au savoir, aux professions réservées aux hommes. Tous ces nombreux acquis qui semblent, aujourd’hui, naturels et évidents, ont en fait été conquis en dépit des mentalités, des préjugés, des idées préconçues sur le rôle de la gente féminine.

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